Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

29 septembre 2005

Courrier des Lecteurs

Posté dans : Plomberie Littéraire, par Dave A. à 9:38

Je sais, en principe ça se fait pas, de faire une entrée rien que pour répondre aux commentaires. Mais je suis comme ça: sous des dehors de classiciste inamovible, se cache un iconoclaste irrévérencieux qui n’a jamais eu froid aux yeux (j’écoutais du Lou Reed et citais Jim Morrison dans mes Doc Marten vertes à même pas quatorze ans: prends ça, conformisme pré-adolescent primaire!). Et puis surtout, je sais pas vous, mais moi je vais jamais vérifier si quelqu’un a répondu à mes commentaires sur le carnet d’un autre. C’est pas que ça m’intéresse pas, mais bon, on n’a qu’un stock de neurones limité, surtout quand on a passé la plus grande partie de sa jeunesse à les détruire dans la drogue et l’alcool, donc c’est pas facile de se souvenir de tout. Mais pour la suite, c’est promis, ça restera dans les commentaires, grâce au tout nouveau plugin d’abonnement par e-mail qui ira vous embêter jusque dans votre boîte-aux-lettres pour vous tenir au courant. Bon sang, encore une promesse sur ce blog et je suis prêt à démarrer une carrière politique.

Alors voilà, d’abord, il faut que je fasse une petite confession, histoire de me libérer la conscience et de rassurer un peu ceux qui ont (hypocritement?) exprimé leur surprise à l’annonce de ma ligne éditoriale: cul et violence il y aura, certes, mais il est possible que je me soit avancé un tout petit petit peu de rien du tout quand j’en ai fait le thème exclusif des pages à venir. J’admet avoir cédé à la tentation ô combien irrésistible de créer l’effet d’annonce par des moyens bon marché, limite racoleurs, peu dignes d’un successeur de Voltaire qui s’est tapé à une époque toute l’Ethique de Spinoza en latin (oui, enfin c’était surtout pour impressioner mes camarades, afin de me taper tout autre chose. De toutes manières: je comprenais pas une ligne sur trois).

Mais c’est pas ma faute non plus: je faisais que suivre les conseils glanés dans le très intéressant guide du « blog comme vecteur de propagation médiatico-marketing dans le cadre d’une synergie technologico-putassière de mon sphincter avec votre compte en banque » (c’est paru aux éditions Trashs de Minuit, je vous envoie le PDF pour 10 euros plus frais de port). J’avais sauté le chapitre qui explique que, pour faire « trash », le cul et la violence c’est complètement dépassé: il faut faire des comptes-rendu des feuilletons télévisés de la veille (des feuilletons « trash », hein, sinon ça marche pas) en mettant des vignettes pour illustrer. Ca, ça va être vachement dur, parce que même s’il y a bien des émissions plutôt poussées par ici, le soir à la télé, je suis d’habitude bien trop occupé par mes recherches scientifiques (« Et le valium, ça se dissout dans la Skyy? », « Qu’est-ce qui se passe si on laisse du Red Bull à sécher sur le réfrigérateur et qu’ensuite on le réduit en poudre pour le renifler avec une paille? », « Et le chat, est-ce qu’il aime le Red Bull? »… que de la science, je vous dis) pour pouvoir regarder et donner des comptes rendus le lendemain. Bref, j’ai peur de ne pas être taillé de l’étoffe dont on fait les blogueurs trashs, mais je ferai de mon mieux.

Puisqu’on parle cul, justement:

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26 septembre 2005

Première Générale

Posté dans : Plomberie Littéraire, par Dave A. à 5:18

Le problème avec l’écriture en général, c’est les lecteurs.

C’est pourquoi j’ai décidé de commencer simple. C’est à dire sans lecteur. On ne peut jamais faire trop simple quand on écrit.

Surtout quand il s’agit de trouver une entrée en matière à sec, comme ça.

C’est vachement dur les introductions, tout bon commentateur contemporain vous le dira: il faut réussir à capter les neurones d’un public rendu extrêmement exigeant par le niveau de qualité de l’offre télévisuelle moderne (il parait qu’il y a des rediffusions de La Ferme Célébrité au moment même où j’écris ces lignes) et simultanément justifier sa raison d’écrire, sujet chiant par excellence. D’ailleurs, sur ce point, c’est pas tellement du jeu: est-ce qu’on a déjà vu un animateur télé, lors de la première, vous expliquer pourquoi les gourmettes pensantes de la chaîne ont jugé nécessaire de donner un budget et un créneau horaire à leur dernière flatulence matinale du moment?

« Pas assez de batailles de nains hydrocéphales en string panthère. Produire plus de batailles de nains hydrocéphales en string panthère. »

[…]

« En 1936, Heidegger s’interrogeait sur la conception Nietzschéenne de la Volonté de Pouvoir comme vecteur de la poursuite artistique… Tout de suite, les batailles de polochons de quinze adolescent(e)s pré-pubères: un combat à mort pour savoir qui aura le droit de masser les testicules de Johnny Halliday en direct lors de son prochain concert. Envoyez un SMS par minitel au 3646 pour voter. »

A la réflexion, peut-être que la notion de justification de la démarche artistique est légèrement tombé en désuétude. Cela ne m’étonne guère d’ailleurs. Le déclin de notre société et l’abandon des valeurs de savoir-vivre qui en ont assuré le rayonnement de tout temps, n’est hélas plus à démontrer: il n’est pas rare aujourd’hui de croiser la route de jeunes femmes marchant tête nue et sans corset, il n’est plus considéré comme un faux-pas majeur dans les salons parisiens de sauter l’étape du baise-main avant pénétration anale, j’ai même entendu dire que certains juifs avaient maintenant le droit de vote en France.

Justifions, donc:

Me complaisant dans la publication de mes écrits en seule langue anglaise, agrémenté de très occasionnels décrochages régionaux, je n’avais guère ressenti jusqu’à présent la moindre nécessité de consacrer une part plus substantielle de mes activités pseudo-littéraires à la langue française. Il fallut l’aide précieuse d’un ami pour me faire prendre conscience que ma maîtrise d’icelle avait, au cours des années, inexorablement décliné pour atteindre un niveau des plus alarmants. Le caractère anormalement laborieux de mes récentes incursions épistolaires dans cette langue n’étant pas sujet à apaiser mes inquiétudes.

Seule la pratique rend parfait, comme l’expliquait si bien l’Etrangleur de Boston – dont les premières tentatives en la matière laissaient beaucoup à désirer – et c’est donc tout naturellement vers vous, hypothétique et techniquement non-existant lectorat, que je me tourne afin de rendre témoignage de ma nouvelle résolution linguistique.

Entendons nous bien: point n’est besoin de m’envoyer encouragements ou compliments sur mes louables efforts en la matière. Bien qu’ayant un peu de mal avec les derniers développements lexicaux de l’Académie Française, je compte néanmoins le français comme l’une de mes langues maternelles. Très maternelle même, puisque c’est à ma douce et tendre génitrice que je dois une prédisposition atavique pour la gastronomie batracienne et un goût pour la littérature française des 3 derniers siècles. En revanche, le fait d’avoir passé plus d’années de ma folle jeunesse occupé à compter les lémuriens malgaches ou les moutons du Yorkshire qu’à converser avec mes semi-compatriotes au sang tricolore – délaissés en des temps plus récents pour la compagnie des pinipèdes San Franciscains et des félins Tokyoïtes – a contribué à creuser un écart d’aisance inopportun bien qu’a priori indécelable à l’écrit, dans l’usage de cette langue.

Par exemple, comment pourriez vous savoir, innocent lecteur, que je viens de passer plus d’une demi-heure à chercher vainement une traduction satisfaisante de l’adjectif « tone-deaf », quelques paragraphes plus haut. Imaginez la frustration de l’auteur pusillanime en quête perpétuelle du mot exact et ajoutez-y le désespoir impuissant du traducteur face aux limites de son art: on a vu artiste se suicider pour moindre prétexte.

C’est donc avec l’espoir secret de triompher de ces difficultés que je m’engage sur la voie bloguistique francophone.

Maintenant que l’on a couvert le Pourquoi de l’auteur, reste à couvrir le Pourquoi du lecteur. Autrement dit: pourquoi consacrer à la lecture de ces lignes un temps précieux qui bénéficierait tout autant à des ébats – reproductifs ou non – avec votre compagne, compagnon ou animal de compagnie favori(te)…

Pour cela, j’ai puisé mon inspiration directe dans les commentaires du bien trop regretté André Malraux, dont ni le piètre talent littéraire, ni une quelconque aptitude sexuelle au dessus de la moyenne, ne semblent pouvoir justifier son ascension politique fulgurante sous la Vème République: preuve qu’à défaut d’autre chose, il ne devait pas être si con. Malraux, donc, écrivait que la destinée humaine pouvait se résumer à ses deux humeurs caractéristiques, en dehors desquelles nulle littérature digne de ce nom ne pouvait exister: le sperme et le sang… Eros, Thanatos, tout ça.

Rapidement, je récapitule pour ceux de mes lecteurs dont je sens vaciller l’intérêt déjà faible que leurs prêtent les dernières recherches en clickologie internètique:

Dans ce blog, on va parler de violence et de cul.

Bien entendu, ma nature discrète et raffinée me portant à une certaine modestie vis-à-vis des aventures de mon propre cul, je serai contraint d’étaler au grand jour les frasques des membres directs de mon entourage, avec une absence de scrupule à la mesure de leur incapacité à lire la magnifique langue dans laquelle je m’exprime présentement.

Pour la violence, je sais pas encore. Mais je possède un hamster nain et une superbe collection de couteaux de cuisine japonais: on pourra toujours improviser plus tard si nécessaire.

Bon, tout cela aurait probablement pu se résumer à un simple « Bienvenue dans mon humble demeure », mais je fais super mal Bela Lugosi en français avec l’accent roumain.

et ignotas animum dimittit in artes