Un jour, je pense qu’il se trouvera bien quelques psycho-historiens tendance hégélo-lacanienne pour analyser le caractère cyclique légèrement lancinant des mouvements sociaux français.
D’un coté le Jeune, l’oeil humide, brûlant de tuer le Père et montrer à son tour que si en France on n’a plus de pavés, on a toujours des idées. De l’autre, l’Aîné soixante-huitard, baignant dans son paternalisme condescendant, mais incapable de réprimer une petite larme d’encouragement nostalgique entre deux meeting de son agence de com’. Pour les digressions sur la nature exacte de la Mère qu’il importe de séduire ou violenter dans cette métaphore freudienne vaseuse: allez piocher au choix dans Delacroix, Jacques-Louis David ou Jean-François Kahn, je ne suis pas trop regardant en matière d’allégorie éculée.
Quoi qu’il en soit, n’allez pas croire un instant que mon statut réaffirmé d’aigri prématuré, mouvance petit con, ne me pousse à la moindre animosité envers ceux de mes chers camarades qui canalisent l’expression de leurs revendications politiques par l’empilement stratégique de mobilier de bureau à l’entrée des locaux universitaires. Pour tout dire, compte-tenu de mon humeur peu sociable de ces derniers jours, ça m’arrangerait plutôt.
Il est rafraîchissant de constater que je n’ai rien perdu de mes engouements de pré-adolescent immature, qui me poussaient aux beaux jours du printemps à soutenir de tout coeur les appels à la grève générale du SGUOUN, de la SGAC et du GNNN réunis, du moment que cela me permettait de passer l’après-midi au calme dans un coin du cimetière Montparnasse. Non pas que je regrette les soubresauts politisants exaltées des années qui suivirent, mais rétrospectivement, c’était au moins aussi sympa de tailler la bavette au soleil avec les chats du quartier en bouquinant adossé à une tombe. Et nettement moins nocif pour les poumons.
D’ailleurs, au cas où vous vous demanderiez: le truc c’est de commencer à lire à voix haute quand le gardien passe… Si on vous pose la moindre question, vous lisez son roman favori à votre pauvre grand-mère prématurément enlevée à l’amour des siens (choisir et étudier l’épitaphe en prévision). Montparnasse à préférer sans hésiter au Père Lachaise, horriblement touristique et beaucoup trop fréquenté pour une lecture paisible.
Je m’insurge tout à fait contre cette vile diffamation du Père Lachaise: j’y ai passé des heures délicieuses avec la seule compagnie d’un méga-cone et d’un vieux poche piqué chez Gibert, lors des cessations d’activité collectives où de ma seule initiative. Or j’ai arpenté, récemment, un jour d’automne, les allées tortueuses des maréchaux d’Empire, aux tombes défoncées par les racines de chênes, au choix, séculaires ou centenaires (les chênes ne sont jamais jeunes! Ils laissent cette propriété aux glands): l’endroit est toujours aussi désert, et j’ai même cru reconnaître les restes d’un filtre fabriqué il y a plus de trente ans dans un carton de Riz Lacroix… Alors s’il vous plait: pas de sectarisme Parnassien! Mes souvenirs valent bien les votres même si votre talent à les narrer m’énerve…
En tout cas merci.
Comment par Briscard — 23 mars 2006 @ 10:17
Quand Dr Dave remet la blouse… 🙂
Comment par Shaggoo — 24 mars 2006 @ 10:12
J’en ai ma claque des cimetierres pour un petit mment…. Joker !
Comment par Fugitive — 5 avril 2006 @ 10:01
Briscard
C’est noté, à la prochaine éclaircie je retourne vers le nord pour une tentative de réhabilitation des chênes du Père Lachaise (et en passant: j’aime beaucoup la comparaison juvénophobique)…
Fugitive
Pourquoi? C’est assez agréable un cimetière. Surtout à Paris qui manque cruellement de parcs dignes de ce nom. C’est vert, c’est calme, personne ne songerait à aller y manifester et rien ne force à aller dans un cimetière familier, bien au contraire.
Comment par dr Dave — 11 avril 2006 @ 5:29