C’est Shizu qui l’avait repérée la première : une petite araignée qui profitait de mon épaule accueillante pour faire un tour en ville sans payer son ticket de train. Rien de surprenant, après une après-midi à faire les idiots dans l’herbe de Yoyogi.
Elle avait l’air plutôt paisible. Ou plutôt il avait l’air paisible, puisque, hors présence de locuteurs méditerranéens, je refuse toujours de me plier à la dictature de ces tournures grammaticales genrées françaises qui font fi des plus élémentaires notions de biologie et de logique pour attribuer un sexe unique et arbitraire à une espèce entière (quand j’était petit, je ne comprenais absolument pas pourquoi ma petite cousine françouillaise s’entêtait à penser que le mari de Madame Grenouille, c’était Monsieur Crapaud, alors que Monsieur Grenouille semblait un candidat beaucoup plus logique, compte tenu des coutumes administratives en matière de partage des noms entre époux). J’étais occupé à compter ses pattes et ses yeux, pendant que Shizu et Chiho tergiversaient sur la signification profonde de ce présage dans la culture locale, s’accordant finalement pour une condamnation à mort de l’arachnide voyageur, au motif qu’il faisait déjà nuit, et que tout le monde sait que les araignées du soir sont signe de malchance. Alors que le matin, oui, c’est bon signe.
Apparemment, les petits vieux qui occupent leur soirées d’hiver à fabriquer des dictons à la con ne se concertent pas entre pays, fût-ce pour éviter de se contredire aussi sottement. Peut-être une question de fuseau horaire.