Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…
9 novembre 2010
Tiens, comme s’il fallait me rappeler à nouveau que je vieillis, mon écrivain favori vient de gagner la tombola annuelle de Drouant.
En plus d’être un sous-fonctionnaire de la médiocrité littéraire, son enthousiasme pour le léchage de derrières germano-pratins est maintenant gravé dans les annales.
Bien fait pour lui.
18 décembre 2007
Father McKenzie wiping the dirt from his hands as he walks from the grave
No one was saved.
Eleanor Rigby
Les enterrements sont des cérémonies paradoxales, en cela que l’on s’acharne à les rendre mémorables, mais tout le monde voudrait pouvoir les oublier aussitôt.
Vous avez déjà vu un photographe officiel à un enterrement, vous?
On se resserre un peu autour du cercueil, s’il vous plaît, je n’arrive pas à faire tenir tout le monde dans le champ… Maintenant le défunt avec seulement les enfants… Bon, après ça : quelques photos en extérieur, avec le soleil couchant dans les ormes du cimetière?
Il y a essentiellement deux types d’enterrements : ceux où l’on se rend pour le mort et ceux où l’on accompagne les vivants. Ceux dont en fin de compte, on garde peu de souvenirs, trop occupé à surnager dans sa peine pour faire attention au reste… Et ceux dont chaque minute austère et inconfortable s’imprime à l’encre de la douleur ambiante.
C’est dans ces cas là que les détails les plus idiots prennent de ridicules proportions. De minuscules angoisses sociales qui se transforment en interminables débats intérieurs : des questionnement sur la couleur de sa cravate, le nombre de boutons de sa veste ou la tournure exacte du cliché condoléancieux qu’il sera de bon ton de prononcer, sans chercher l’originalité ou la sincérité. Et puis à coté, pendant que je m’interroge sur mon choix de boutons de manchette, il y a un mort et des gens qui pleurent.
Bien sûr, je la ressens aussi, cette tristesse qui m’entoure. Un peu par empathie, un peu par un égoïste réflexe d’identification. En fait, je me souviens surtout des dernières fois où c’était moi, celui pour qui rien n’avait d’importance, celui qui serait venu en jeans et baskets, sachant bien que les morts s’en foutent, autant que je me foutais des vivants en ces occasions.
Ce jour là, c’était pour les vivants que j’étais venu. Debout, les yeux baissés dans la contemplation de ma paire de gants.
Et puis tu as pris la parole.
Immédiatement, je ne t’ai pas aimé.
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15 janvier 2007
J’ai beau essayer le zen, la quête du satori, la mort lente par agonie des neurones.
Le calme me fait peur, je n’y peux rien, c’est comme ça. L’anxiété sociale, la peur du vide, Qualche volta, quest’oscurità, questo silenzio, mi pesano… Tout ça…
Alors du coup, un peu comme les héros shakespeariens qui redeviennent lucides cinq minutes avant leur mort, les journées d’agitation totale me donnent toujours un paradoxal sentiment de liberté et de champ des possibles quasi-infini.
Je crois que c’est pour ça que j’aime bien le dernier jour de l’année. Pas parce qu’un corps céleste est sur le point d’accomplir sa millionième-et-quelques révolution autour d’un des milliards d’astres de la galaxie, pas parce que le petit Jésus s’est fait couper le bout de la zigounette 2007 ans plus tôt, pas même parce que c’est le jour où le dernier des connards se sent forcé d’enfiler un chapeau en carton en sirotant des bulles pour faire oublier qu’il passe les 364 autres soirées de l’année à roter sa kro’ sur son canapé devant TF1… J’aime le 31 décembre, parce que c’est un des jours où j’apprécie le plus de ne rien faire d’important. Je prends mon temps ce jour-là, et chacune des petites activités banales auxquelles je m’adonne a le goût des occupations plus solennelles dont elle prend la place.
Bien sûr, je ne passe pas (toute) ma journée à rêvasser sans but en relisant les livres que je n’ai presque plus le temps d’ouvrir ces jours-ci. J’aime bien profiter de l’occasion pour contacter les amis que je ne peux me résoudre à laisser filer complètement comme du sable entre les putains de griffes du temps qui passe. J’aime bien les inviter à aller prendre un café et reprendre les discussions au point où nous les avons laissées un ou dix ans plus tôt.
Pendant le dîner, on a parlé des cinq dernières années de la vie de nos alter-egos respectifs : ceux qui vivent dans une dimension parallèle où les maisons sont peintes par Caravage, les dialogues écrits par un écrivain fou et les chats se déplacent sur des échasses.
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6 octobre 2005
C’est pas pour me vanter, mais je ferais un piètre critique litéraire.
D’abord, parce que je sais lire, et l’on m’a assuré que cela constituait une tare rédhibitoire dans le milieu.
Ensuite, parce que malgré des opinions tranchées à l’égard de l’ensemble de la production artistique de mes contemporains, j’arrive difficilement à en formuler avec exactitude les raisons communicables à un quelconque interlocuteur. Mes goûts et dégoûts sont souvent viscéraux, mais rarement argumentés de manière convaincante. A ma défense, chez la plupart des gens, défendre un livre se fait essentiellement par l’exposition de faits sans rapport ou de syllogismes creux (« elle a couché avec untel », « il parle super bien à la télé », « sa photo sur la quatrième de couv’, elle est à tomber par terre » etc). Plus l’auteur est récent et médiatisé, plus les arguments sont stupides. Rien de plus navrant que les contorsions intellectuelles du branché qui tente de donner une caution artistique à ses lectures grégaires.
De Houellebecq, je n’ai lu que Plateformes et les Particules Elémentaires; l’insipidité de son style et un sentiment indéfinissable d’agacement extrême me firent refermer ce dernier avant la fin du troisième chapitre. Et justement, ce qui est étrange dans la répulsion que m’inspirent l’oeuvre et son auteur, c’est que j’ai toujours eu du mal à en définir les raison précises.
De prime abord, pourtant, nous partagerions bien quelques vues sur la médiocrité du genre humain. Nous semblons détester dans la même direction: Il exsude de Plateformes un certain mépris du petit-bourgeois cadresupérien qui s’en va barouder dans les Club Meds les plus reculés de la planète histoire de tromper l’ennui et si possible sa femme avec de la marchandise locale bon-marché… Un mépris que je ne saurait renier, même s’il me semble y discerner pas mal de complaisance aussi. Du coté des goûts, en revanche, il m’est bien plus difficile de m’identifier aux engouements de cet homme. Ou plutôt, son engouement, puisqu’il n’en existe qu’un: le cul. Or j’ose espérer que même dans mes fantasmes les plus inavouables, on ne trouve guère de cet érotisme Harlequin de supermarché campagnard qui lui tient guise de libido.
Et puis au fil de conversations, je me suis aperçu que toutes les réponses au pourquoi de ma haine se trouvent directement dans les arguments de ses défenseurs.
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