Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

22 mars 2006

De l’art d’occuper son temps revendicatif

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 8:02

Un jour, je pense qu’il se trouvera bien quelques psycho-historiens tendance hégélo-lacanienne pour analyser le caractère cyclique légèrement lancinant des mouvements sociaux français.

D’un coté le Jeune, l’oeil humide, brûlant de tuer le Père et montrer à son tour que si en France on n’a plus de pavés, on a toujours des idées. De l’autre, l’Aîné soixante-huitard, baignant dans son paternalisme condescendant, mais incapable de réprimer une petite larme d’encouragement nostalgique entre deux meeting de son agence de com’. Pour les digressions sur la nature exacte de la Mère qu’il importe de séduire ou violenter dans cette métaphore freudienne vaseuse: allez piocher au choix dans Delacroix, Jacques-Louis David ou Jean-François Kahn, je ne suis pas trop regardant en matière d’allégorie éculée.

Quoi qu’il en soit, n’allez pas croire un instant que mon statut réaffirmé d’aigri prématuré, mouvance petit con, ne me pousse à la moindre animosité envers ceux de mes chers camarades qui canalisent l’expression de leurs revendications politiques par l’empilement stratégique de mobilier de bureau à l’entrée des locaux universitaires. Pour tout dire, compte-tenu de mon humeur peu sociable de ces derniers jours, ça m’arrangerait plutôt.

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11 mars 2006

Coïncidences I

Posté dans : Memento, par Dave A. à 3:08

On était un peu des jumeaux qui n’auraient pas grandi ensemble. Munis de notre propre langage: une bouillie linguistique agrégée de nos langues respectives, remplie de références obscures et mal maîtrisées et surtout pleine de la maturité précoce, un rien mélancolique, des enfants qui ne le sont pas restés longtemps.

Nos histoires se ressemblaient sans avoir le moindre point commun, nous glissions dans le même courant d’eau, passant par les mêmes points à quelque temps d’écart. À Paris, bien sûr, où nous étions deux pions fraîchement posés sur l’échiquier, sur le point d’entamer la même partie. Puis Barcelone, Londres, la Californie…

Tu aurais aimé le Japon, je pense.

Quand tu avais décidé que les filles te plaisaient plus que les garçons, on en avait discuté comme s’il ne s’agissait guère que d’un arrangement d’emploi du temps: je t’accompagnerai dans ta découverte des bars lesbiens, tu viendrais voir avec moi à quoi ressemblaient les soirées hétéros. Mais à vrai dire, nous ne fîmes que bien peu d’incursions dans les beuveries quasi-adolescentes de nos camarades de classe: c’était bien plus intéressant de suivre les goudous du Marais, dont la fibre maternelle pas tout à fait désintéressée nous ouvrait des portes à peine soupçonnées à l’époque.

Ce matin là, rentrant d’une nuit de boulot et de club, quand je me suis arrêté au milieu de West Central et t’ai annoncé qu’il fallait que je change d’air, que j’allais rentrer prendre une douche et repartir directement à Heathrow, tu ne m’as même pas demandé pourquoi j’avais si subitement besoin de survoler l’Atlantique, un jeudi à six heures du matin, tu m’as juste souri en me disant à bientôt.

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8 mars 2006

Assez Ri

Posté dans : Plomberie Littéraire, par Dave A. à 2:16

Life does not cease to be funny when people die any more than it ceases to be serious when people laugh.
George Bernard Shaw

Dire que l’humour est le cache-misère du désespoir est un lieu commun frisant la tautologie…
Pas besoin d’avoir lu Bergson pour remarquer que les artistes comiques donnent toujours les nécrologies les plus déprimantes.
L’inverse est vrai: un auteur dramatique sans humour, ça produit de ces romans insipides type XIXè siècle, destinés à l’édification des jeunes filles de bonne famille, où l’esprit est un péché domestique et l’ironie: la dernière des vulgarités. Mais entre les railleurs cyniques et les imbéciles pompeux, les premiers au moins entretiennent moins d’illusions sur la qualité de leur piètre existence.

L’ironie, c’est une armure, une seconde peau en cuir sur laquelle tous les coups glissent sans pénétrer. Évidemment, parfois, on étouffe un peu en-dessous, mais ça protège bien. Le problème, c’est qu’à force de la porter, il devient de plus en plus dur de l’enlever, car alors le moindre rayon de soleil vous brûle la peau. Du coup, on la revêt instinctivement, quelle que soit la situation, et on blesse ceux qu’on embrasse.

C’est comme un rire nerveux, en beaucoup plus gênant. Cette envie irrépressible de répondre au sérieux par une pirouette boufonnesque, qu’on pourrait presque confondre avec la volonté de placer un bon mot coûte-que-coûte, même si l’on regrette l’instant d’après. Ca m’a valu bien des claques au cours de ma vie, les plus violentes n’ayant d’ailleurs pas toujours le bruit d’une paume sur la joue.

Donc voilà, sans plus insister, c’était pour dire que les choses vont changer ici. Il est temps d’arrêter la gaudriole et de se prendre un peu au sérieux. Ou peut-être pas. Peut-être quelque chose d’autre, qui n’est ni du rire, ni du sérieux. Peut-être même que ça a à voir avec le talent d’écriture (le vrai, pas celui qui consiste à énoncer quelques tournures plaisantes en flattant la plaisanterie du bout des doigts).

De toutes manières, cela importe peu, puisque tout ce qui s’écrit sur ce blog est entièrement fictif (surtout les drogues, maman: surtout les drogues).

Vous voilà prévenu.

et ignotas animum dimittit in artes