Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

8 mars 2006

Assez Ri

Posté dans : Plomberie Littéraire, par Dave A. à 2:16

Life does not cease to be funny when people die any more than it ceases to be serious when people laugh.
George Bernard Shaw

Dire que l’humour est le cache-misère du désespoir est un lieu commun frisant la tautologie…
Pas besoin d’avoir lu Bergson pour remarquer que les artistes comiques donnent toujours les nécrologies les plus déprimantes.
L’inverse est vrai: un auteur dramatique sans humour, ça produit de ces romans insipides type XIXè siècle, destinés à l’édification des jeunes filles de bonne famille, où l’esprit est un péché domestique et l’ironie: la dernière des vulgarités. Mais entre les railleurs cyniques et les imbéciles pompeux, les premiers au moins entretiennent moins d’illusions sur la qualité de leur piètre existence.

L’ironie, c’est une armure, une seconde peau en cuir sur laquelle tous les coups glissent sans pénétrer. Évidemment, parfois, on étouffe un peu en-dessous, mais ça protège bien. Le problème, c’est qu’à force de la porter, il devient de plus en plus dur de l’enlever, car alors le moindre rayon de soleil vous brûle la peau. Du coup, on la revêt instinctivement, quelle que soit la situation, et on blesse ceux qu’on embrasse.

C’est comme un rire nerveux, en beaucoup plus gênant. Cette envie irrépressible de répondre au sérieux par une pirouette boufonnesque, qu’on pourrait presque confondre avec la volonté de placer un bon mot coûte-que-coûte, même si l’on regrette l’instant d’après. Ca m’a valu bien des claques au cours de ma vie, les plus violentes n’ayant d’ailleurs pas toujours le bruit d’une paume sur la joue.

Donc voilà, sans plus insister, c’était pour dire que les choses vont changer ici. Il est temps d’arrêter la gaudriole et de se prendre un peu au sérieux. Ou peut-être pas. Peut-être quelque chose d’autre, qui n’est ni du rire, ni du sérieux. Peut-être même que ça a à voir avec le talent d’écriture (le vrai, pas celui qui consiste à énoncer quelques tournures plaisantes en flattant la plaisanterie du bout des doigts).

De toutes manières, cela importe peu, puisque tout ce qui s’écrit sur ce blog est entièrement fictif (surtout les drogues, maman: surtout les drogues).

Vous voilà prévenu.

12 Comments »

  1. Un docteur Dave sans la blouse…

    Comment par Shaggoo — 8 mars 2006 @ 9:05

  2. Y avait longtemps… Tiens ça me rappelle un truc: « tu voudrais être ironique et tu n’es que sarcastique, et entre les deux il y a la même différence qu’entre un soupir et un rot »… C’est dans la Ballade de la mer salée je crois… Sinon pour le talent d’écriture « les tournures plaisantes » n’en sont pas forcemment le signe de l’absence…

    Comment par Briscard — 8 mars 2006 @ 10:25

  3. Je n’irais pas te dire « Bienvenue dans le domaine des masques » parce que ce n’est souhaitable pour personne… pas même pour ton voisin indélicat !

    En même temps, je ne te vois pas « te prendre au sérieux » : il y a quelque chose d’irréconciliable avec ton écriture « naturelle ».
    Ou alors, opte plutôt pour le « rien n’est sérieux mais tout est grave », ça t’irait mieux au teint.

    Et je suis bien d’accord avec Briscard : les « tournures plaisantes » n’impliquent pas forcément une vacuité sous-jacente.
    Quant à l’exemple sur les « comiques », il est battu en brèche par un Pierre Deprosges, non ?

    Comment par Fugitive — 9 mars 2006 @ 2:50

  4. Aggiornamento

    Il s’est produit plusieurs petites choses ces dernières semaines qui me font réviser une partie de mon comportement.

    J’ai d’abord du constater une forme de “panne sèche” de l’écriture que je n’avais que ra…

    Rétrolien par Éloge de la fuite — 10 mars 2006 @ 9:56

  5. Pas convaincue par ce post. L’irone n’est pas seulement une armure, un carcan. C’est aussi un souffle, une énergie. Alors pour ça, je ne voudrais pas perdre la mienne 🙂

    Comment par céline — 10 mars 2006 @ 10:00

  6. oui ça brûle le soleil sur la peau nue, mais ça tanne un peu la peau et on porte mieux l’armure après … avec la conscience que ça n’est qu’une armure, et c’est le principal 😉

    parce que le pire c’est de devenir cette armure et de ne plus exister qu’en temps que tel … non ?!

    Comment par Mel'O'Dye — 10 mars 2006 @ 10:55

  7. Voilà un sujet plus intéressant que la grippe aviaire et qui me fait moins honte de ne pas avoir lu tout Bergson.

    Je déconne même pas.

    Comment par Angeline — 11 mars 2006 @ 8:24

  8. Le Privilège du Serpent (merci Cosey) c’est de changer de peau.

    Ca me gorge toujours d’une forme d’enthousiasme quand quelqu’un s’autorise à dévêtir une membrane qui l’enserre et à mettre le cap sur un point improbable de son horizon. (pourtant en ce moment j’ai moyennement envie de rire…)

    On n’est pas plus cons que des serpents, quand même ?

    Comment par Patricia — 12 mars 2006 @ 1:01

  9. Le plan Doctor Dave

    J’ai pas envie d’expliquer.

    Juste la sensation d’être tombée sur quelqu’un d’assez intelligent pour ne pas me ménager.
    Mais capable de comprendre.
    Il me bouscule et me secoue. Il a bien raison.

    Alors je lui offre quel…

    Rétrolien par Éloge de la fuite — 14 mars 2006 @ 2:17

  10. Rhââââh lovely !
    La Patricia qui se pointe en ces eaux plaisantes autant que subtiles!
    Là, pour une fois (non ! Je fais gaffe ! Promis ! Je suis sage….ultra sage….)… mais ne m’empêche pas de me réjouir de voir une aussi douée de la plume me suivre en tes eaux, très cher !
    Il y a des fois où je m’étonne d’avoir été utile à quoi que ce soit…. là, c’est le cas…
    Une raison de moins me dégoûter en dehors de t’offrir un Trent Reznor qui tue… on ne va pas mégoter…

    Comment par Fugitive — 14 mars 2006 @ 2:27

  11. Je serais plutôt d’accord avec les défenseurs de l’ironie. C’est un espace ouvert entre le langage et la pensée, c’est un jeu comme on dit qu’une porte a du jeu. C’est léger, c’est de l’air. C’est du vide où on peut tout placer: rire, tendresse, mais aussi amertume et je crois que c’est surtout de celà dont il est question dans le post. Mais je pense que les ironiques amers sont ceux qui sont tombés dans le trou de l’ironie. Et qui ne jouent plus.

    Comment par darkbear88 — 16 mars 2006 @ 5:13

  12. Shagoo: Ah non, sans la blouse je peux pas… J’ai rien en dessous.

    céline: Ce que tu décris ressemble plus à de l’humour qu’à de l’ironie. Il y a un rapport, mais l’une n’entraîne pas nécessairement l’autre. On doit pouvoir débattre infiniment de la sémantique glissante des deux termes, mais pour moi, une des différences majeures serait la distance mise par celui qui l’utilise…

    Sinon, pour tout le monde:

    Je ne sais pas trop si je me suis bien exprimé, je ne sais même pas si je sais exactement ce que j’ai voulu exprimer.

    Pas grand chose a priori, sinon exactement ce que j’ai dit: une des raisons de la rareté des contributions sur ce blog lors des derniers mois, c’est le peu d’adéquation entre mon humeur et le ton que j’avais plus ou moins volontairement insufflé à mes billets. Plutôt que de poster certaines des choses qui me passaient par la tête (ou le coeur), je me suis abstenu maintes fois: cet avertissement posé (car c’en est un), je me sens plus à l’aise pour développer ces thèmes dans le futur si l’envie m’en revenait.

    Comment par dr Dave — 22 mars 2006 @ 11:35

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et ignotas animum dimittit in artes