Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

18 janvier 2007

La Culture m’excite au plus haut point…

Posté dans : J'adore, l'Actualité, par Dave A. à 4:20

Ces temps-ci, par les bons soins de mon ange-gardien, je traîne beaucoup dans les cocktail-party culturo-ministérielles. C’est la nouvelle année : tout le monde, de Monsieur le Ministre lui-même jusqu’au plus obscur sous-secrétaire détaché à la Culture de la Betterave en Basse-Creuse, y va de sa cérémonie de voeux, occasion à moult allocutions verbeuses auto-fellatrices, mais toujours assortie de promesses d’une conclusion foie-gras-champagne, histoire d’assurer le quota de main clappantes tout au long durant. Dans la pratique, c’est un peu la charmante continuation des bonnes veilles traditions de cours bourbonesques, les perruques poudrées en moins.

Ma sensation aiguë de n’avoir aucune raison légitime de mettre les pieds dans ces raouts muséophiles en est donc atténuée par la réalisation que la vaste majorité des autres convives présents n’en ont guère plus.

Pour ceux qui envisageraient de se lancer dans une carrière de parasite de la République à plein temps : ne tenez aucun compte, dans le choix de vos fonctions sociales, du renom de la tête d’affiche qui est très rarement gage de qualité coté buffet. Privilégiez en revanche les piètres orateurs à discours long et ennuyeux. D’expérience, plus le discours est chiant, plus la marque du mousseux tire vers le haut (c’est à ça que ça sert, un conseiller en com’).

Toutes ces invitations viennent par ailleurs accompagnées d’entrée privilégiée aux collections artistiques attenantes. Visites d’autant plus tranquilles qu’elles intéressent nettement moins les récipiendaires des-dits cartons que les plateaux de petits-fours Picard réchauffés.

L’autre jour, donc, durant l’une de ces traditionnelles lectures de pages-jaunes de la nouvelle année, quelque part entre les remerciements à Monsieur-le-Conservateur-du-Musée-du-Liège-et-du-Bouchon-d’Anvers-sur-Loire et le couplet nécessaire sur la grande amitié franco-abou-dhabinoise (Abou Dhabi, son histoire immémoriale, la richesse culturelle de ses sous-sols…), je somnolais, songeant que pouvoir mater sereinement du masque africain tout l’après-midi, loin du hoi polloi des jours ouvrables valait bien le sacrifice de quelques neurones innocents à l’autel du pompier inconnu mort pour le style. En murmurant aussi à ma gente compagnie qu’ils avaient intérêt a servir au moins du Piper-Heidsick millésimé dans le carré VIP pour rattrapper ça.

C’est à ce moment que deux jeunes femmes, ostensiblement en retard pour le discours, vraisemblablement en avance pour la bouffe, prirent place à mes pieds. Littéralement à mes pieds, puisque l’endroit bénéficiait d’une structure type gradins jeux-du-cirque, bonus éclairage magenta bar-à-putes, qui écartait d’office l’espoir au plus endimanché des invités d’y conserver une quelconque prestance. Et là, moi qui ne suis pourtant jamais parvenu à me passioner pour le très parisien sport du matage de femelle en terrasse fort prisé par mes petits camarades de jeu, moi dont le stoïcisme en public confine parfois à une inquiétante déficience hormonale : j’avais non seulement le plus grand mal à réprimer d’inavouables pulsions qui, pour en être primitives n’auraient certainement pas répondu aux critères artistiques de l’endroit, mais il m’était en plus physiquement impossible de détourner un regard peu discret de leur direction, où je ne me lassais de passer en revue l’ensemble presque parfait de leurs attributs respectifs…

Le premier détail, c’était l’éblouissante paire de lunettes. Pas une de ces paires coquette griffée que l’exécutrice moderne porte, sans verre correctif, pour mettre quelques points de QI dans la vue de son boss, non, de vraies lunettes de bibliothécaire, des comme on n’en fait plus, taillée dans deux fonds de bouteille coca-cola, tellement épaisse qu’on y voyait le reflet des spots dans la tranche. Soutenant les bi-focales coperniciennes : un adorable petit nez rougi par la sinusite chronique de celles qui respirent de la particule de parchemin moisi à longueur de journée. À l’arrière, l’indispensable queue de cheval que vous désespériez de revoir sur une personne de votre âge, depuis ce jour fatidique où vous avez quitté la maternelle grande-section. Quant aux chemisiers blancs recouverts de petits pulls en laine sombre, légèrement moulants et néanmoins beaucoup trop ringards pour être calculés, se pouvait-il raisonablement qu’elles n’en suspectassent pas le potentiel érotique létal ? Sûrement existe-t-il, quelque part dans le code-civil, des circonstances atténuantes à l’attentat à la pudeur caractérisé, pour les cas où la victime porterait bottines noires, collants beiges et jupe d’un vert que votre grand-mère elle-même trouverait daté…. C’est pas possible autrement. Ou alors au moins une mention spéciale défendant le droit de l’hétérosexuel obsédé mais sottement bienséant, à ne pas être assujetti quinze minutes durant, au spectacle inhumain de la-dite jupe et de son contenu irrémédiablement érotico-callipyge, à moins d’un mètre de son cerveau reptilien.

Pourquoi, ô pourquoi, carrière scientifique ennemie, n’ai-je point fait l’École des Chartes?

6 Comments »

  1. « [L]oin du hoi polloi » ? C’est redondant. « hoi » est déjà un article.

    Ça c’est juste pour le plaisir de jouer les pédants. La Wikipédia anglophone a raison de souligner que « this later usage [avec double article « /the/ hoi polloi »] is well-established and it is often the case that phrases borrowed from other languages become treated as single words in English ». Elle cite ainsi d’autres exemples, venus de l’arabe : « Alcohol », « Algebra » et « Algorithm ».

    Notons que le Trésor de la langue française (atilf.atilf.fr) ne connaît pas « hoi polloi », et qu’il considère « schibboleth » comme rare. Car c’était bien ça, n’est-ce pas ? un shibboleth, un signe de reconnaissance pour se sentir appartenir à οἱ ὀλίγοι : the [happy] few.

    Toujours d’après la Wikipédia anglophone, c’est d’un discours de Périclès rapporté par Thucydide que vient l’expression (ou d’un discours de Thucydide mis dans la bouche de Périclès — comment faire croire qu’on connaît une oeuvre quand on n’en a lu que la préface). Et là il y a un paradoxe. En effet, contrairement à l’usage anglais depuis le début du XIXe siècle, Thucydide l’emploie avec une connotation positive pour louer la démocratie Athénienne.

    Comment par Frogman — 18 janvier 2007 @ 10:23

  2. Frogman

    Merci pour votre intéressante intervention : légèrement pédantesque certes, mais s’il y a un sport auquel nous nous adonnons volontiers en ces pages, c’est bien la dyptérosodomie décomplexée.

    Penchons nous donc sur le problème…

    Comme vous le remarquez vous même, la locution grecque οἱ πολλοί, de par son caractère locutif justement, se voit usuellement traitée comme groupe nominal nécessitant un déterminant en anglais moderne. De nombreux linguistes cognitifs (Steven Pinker, en tête) se sont penchés sur le phénomène naturel de reclassification grammaticale par glissement sémantique à l’intérieur d’une langue (par exemple, les pluriels de noms composés en anglais: « lowlife » donne « lowlifes » et non « lowlives » comme il serait « logique »). La même chose s’appliquant aux mots d’emprunts, qui perdent souvent leur signifiant syntaxique, pour ne retenir qu’un sens plus général de l’expression prise dans sa globalité. Je vous l’accorde, la présente locution n’existe guère comme entité lexicographique dans la langue française, néanmoins son caractère historique lui confère aisément cette place que l’usage ne lui assigne pas.

    Pour faire bref, que ceux qui n’ont jamais écrit une fois dans leur vie « un média », « des scénarios » ou « des walkmans », me jettent la première pierre…

    Quant à son usage, c’est bien à son sens premier de distinction socio-numérique, plus qu’à son inévitable connotation péjorative, que je m’adressais principalement. Pour rester plus proche des dictionnaires français, j’aurais pu utiliser « le vulgus » (voire, le barbarique néologisme « vulgum pecus« ), mais là-encore, de bien péjoratives connotations ont peu à peu remplacé la neutralité du sens original…

    On finirait par croire que les langues méprisent le petit peuple…

    Comment par dr Dave — 18 janvier 2007 @ 12:39

  3. Bon, là, c’soir j’suis un peu fatigué… mais la seule vraie question c’est les « chemisiers blancs recouverts de petits pulls » etc…. tu les as tirés ou non?… Parce que, merdre, quoi, comme diraient Bezo et Ubu, faut pas non plus déconner: le « contenu irrémédiablement érotico-callipyge » ça transcende quand même un peu le côté « cocktail-party culturo-ministérielles » pour promouvoir le côté fesse, non? ‘scuse si pour une fois j’plébiscite pas seulement le style: le fond m’émeut… ‘tain c’est pas beau d’vieillir…

    Comment par Briscard — 19 janvier 2007 @ 9:21

  4. Brisc’

    Au risque de te décevoir, il n’en fut rien. A supposer même que j’eus été en mesure de parvenir à de telles fins (cas fort hypothétique au vu de mon pouvoir de séduction animale peu avéré), la courtoisie la plus élémentaire envers ma compagnie, qui aurait à juste titre trouvé goujat que je l’abandonnasse à son ennui pour de telles futiles poursuites, a prévenu toute tentative de contact, autre que par sourires réciproques et échanges de renseignements mondains sans conséquence.

    De toutes manières, il est parfois bon de savoir conserver ses fantasmes intouchés dans un recoin de matière grise. Ça aide à passer les longues soirées d’hiver (à défaut d’avoir d’autres trucs à toucher sous la main).

    Comment par dr Dave — 22 janvier 2007 @ 12:06

  5. Quand même, merde, c’est pas tous les jours qu’on a d’la documentaliste scientifique sous la main… et avec lunettes cul d’bouteille… ‘tain j’parie qu’elles avaient des collants 40, voire 70 deniers… bon j’me calme: j’me fais du mal, là…

    Comment par Briscard — 22 janvier 2007 @ 5:47

  6. Bonjour,

    Je viens de lire le chapitre de The language instinct de Steven Pinker qui traite de ce qu’est un mot et de comment nous les mémorisons. C’est dans ce chapitre que l’auteur aborde les bizarreries des pluriels des noms composés, et notamment le cas de “lowlifes” que tu citais voici 6 mois. C’est fascinant en effet, d’ailleurs j’en ai loupé une station de métro.

    Cependant je me suis plusieurs fois demandé dans quelle mesure l’ensemble de la construction était scientifique : réfutable, dénuée d’hypothèses ad hoc…

    Comment par Frogman — 15 juillet 2007 @ 10:44

RSS feed for comments on this post. | TrackBack URI

Leave a comment

XHTML (les tags suivants sont autorisés): <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong> .

et ignotas animum dimittit in artes