La mousson Kyotoïte est l’un des pire climats du Japon. Du temps de la vieille capitale impériale, les notables avaient coutume de prendre leurs quartiers d’été dans les hauteurs avoisinantes afin d’échapper aux chaleurs insupportables de la ville : plusieurs semaines de nuits suffocantes et poisseuses à peine rafraîchies par des averses quotidiennes.
Debout sur le balcon, je cherche ma respiration et je me dis que je préférerais être au milieu d’une de ces forêts de bambou qu’on devine là-bas dans l’obscurité. Dans la vallée, les lumières vacillent sous le poids de leur propre chaleur. Derrière moi, H. suffoque à petits bruits.
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H. sanglote à petits bruits, la tête baissée, pendue à mon bras. J’avance en titubant légèrement, j’essaie de ne pas glisser sur les mousses qui couvrent la plupart des marches. C’est qu’il est plutôt escarpé, le petit cimetière d’Engaku-ji.
Le groupe qui se tient au bout de l’allée semble à peine plus âgé que nous dans l’ensemble. Également réparti entre les sexes et uniformément vêtu du noir monotone des enterrements japonais, ses membres n’affichent aucune émotion, sinon un air morne et taciturne pour les plus jeunes. Quelques regards se tournent brièvement sur notre passage, par réflexe ou par ennui, sans guère s’attarder.
Nous avons à peine franchi la porte qui sépare le cimetière du reste de l’enceinte que nous éclatons tous deux d’un rire à peine étouffé. Je mords à pleine dents le cuir de ma main gantée dans une vaine tentative de retenue. Pressant le pas comme les deux gamins coupables que nous sommes, nous rejoignons rapidement le chemin principal et reprenons notre promenade sous le ciel bleu ensoleillé d’un matin d’hiver.
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