Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

21 août 2009

Courir

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 2:41

À Singapour, tout le monde court.

En petites foulées. Le plus souvent à deux, mais parfois par groupes de trois ou quatre. Sur les trottoirs, d’un parc à l’autre, le long de la Marina, autour de la résidence, le long des cours de golf, dans les allées du Jardin Botanique, entre deux massifs d’orchidées.

Singapour est une ville où respirer en temps normal donnerait des envies de branchies à Emil Zátopek et où pas un expatrié ne songerait à se rendre à un rendez-vous d’affaires dans la tour voisine sans emprunter un taxi. Ici, faire du jogging, c’est dire au monde que, malgré le chauffeur privé et la terrasse climatisée, on ne va pas s’arrêter là : pas question de se laisser rattrapper. Le jogging n’est pas une activité sportive, c’est un statut.

Le mini-short griffé et la queue de cheval dépassant de la casquette de golf, les jeunes locales ambitieuses veillent à maintenir le profil callipyge qui, dans leur tailleur d’assistante-analyste à Brothers & Brothers, finira bien un jour par leur rapporter ce mari doté d’un bureau en coin, résidence avec piscine et armée de domestiques philippins, dont elles rêvent le weekend en parcourant les boutiques de luxe d’Orchard Road. Devant elles, la génération précédente, les traits un peu plus tirés, mais le short un peu plus griffé, sue à grosses gouttes pour garder sa place et sa piscine.

Des types qui doivent s’appeler Josh ou Skip, avec des têtes à faire du rééquilibrage de portfolio en trading quantitatif, tirent leur choléstérol de comptables vieillissants mais dynamiques, accompagnés parfois par quelques juniors pas forcément plus en forme, à qui il faut bien montrer qui dirige la meute.

Bien sûr, il se trouve toujours un ouvrier malais ou un livreur indien pour gâcher l’harmonie de ce ballet de sueur aristocratique par une course à motifs bassement utilitaires. Le pas moins rythmé, la transpiration moins nonchalante, ils en donneraient presque honte aux gens aisés de courir sans but et sans raison.

4 Comments »

  1. J’aime être transposée dans des univers inconnus, quand l’auteur du texte les rend si proches qu’on croirait presque les avoir soi-même cotoyés…de loin, s’entend.
    La musique rend ce « ballet » encore plus « pour de vrai ».
    Il faudrait quand même m’expliquer ce que signifit « rééquilibrage de portfolio en trading quantitatif », même si ça n’a pas un intérêt majeur pour la compréhension du texte!

    Comment par caramel — 12 octobre 2009 @ 11:51

  2. Le trading quantitatif? Ah oui… Le seul problème c’est que je peine énormément avec les termes français en la matière. Déjà le sus-cité, je suis pas trop sûr, alors pour le reste, c’est un peu au hasard, mais on va essayer :

    C’est d’une simplicité enfantine. Le trading par modèle quantitatif consiste à miser contre les comportements sous-optimaux du marché en utilisant les corrélations entre plusieurs processus stochastiques, par exemple, des fonds indiciels cotés et les valeurs qui y sont échangés (mais tout aussi bien n’importe quel processus stochastique, produit exotique ou produit dérivé: forex, marché des commodités du métal namibien, marché commodifié sur les hypothèques de petites vieilles noires de la banlieue sud de Detroit, marché des organes de chaton etc.). Ceci afin d’établir des stratégies maximisant le coefficient alpha (retour ajusté par rapport au risque) des investissements sur le très court-terme et garantir des bénéfices, quelle que soit l’évolution globale du marché (*).

    Comme vous pouvez le voir, messieurs dames, rien que de très naturelles opérations boursières visant à garantir en toute transparence le meilleur fonctionnement possible des marchés, tout en offrant d’avantageuses possibilités d’investissement aux banques d’affaires et de riches perspectives de reconversion professionnelle aux éminents mathématiciens issus des fleurons du système éducatif français qui en auraient marre d’enseigner les réductions d’endomorphismes à la génération suivante.

    (*) Conditions applicables uniquement dans le cadre d’une économie non-dépressive. Des restrictions s’appliquent. Consultez votre Banque Centrale en cas d’effets secondaires indésirables.

    Comment par Dave A. — 13 octobre 2009 @ 2:19

  3. Heu…c’est pas gentil de se moquer, mais c’est bien fait pour moi, je calculerai, à tête reposée, la probabilité de piger, même avec un bon dico, un seul de ces termes nébuleux, sans résister à l’envie mathématique de consommer unne bonne dose de produits à vocation dite appaisante, histoire de digèrer dans la béatitude l’enfantin discours dont je fus gratifiée!
    see you!

    Comment par caramel — 16 octobre 2009 @ 10:46

  4. Je ne moque jamais. Surtout quand il s’agit d’un sujet aussi sérieux.

    Comment par Dave A. — 1 décembre 2009 @ 12:27

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et ignotas animum dimittit in artes