Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

4 juin 2008

Prisons Tchèques Pt. 3

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 8:52

En relisant le livre XII des mémoires post-tombales de l’ami René, je me suis avisé que j’avais un peu laissé en plan les miennes.
Je sais, c’est assez chiant Chateaubriand, mais vous avez déjà essayé de mettre la main sur du Patrick Poivre d’Arvors dans une librairie tokyoïte? Bref.

Arrivé à Prague dans la matinée, j’avais déposé mon sobre baluchon dans la tente de mes camarades, que j’avais laissés à leur atelier « artisanat banderoles et masques anti-fumigènes », pour aller retrouver Amelia dans un café du centre de la vieille ville.

J’aime beaucoup les vieux cafés praguois. Tout y est trop grand, guindé et suranné à l’extrême : les plafonds vertigineux, les meringues de chandeliers, les serveurs mornes en tablier blanc, les fauteuils trop droits pour être vraiment confortables, les conversations chuchotées pour ne pas déranger Kafka qui écrit à la table voisine. Kafka portait un jean déchiré, la mèche savamment sauvage façon artiste maudit et faisait semblant de se concentrer sur son moleskine mais en réalité n’arrêtait pas de balancer des regards en biais sur les nibards d’Amelia. Nous, on avait plutôt laissé tomber les Lettres et on s’attachait à parcourir les années dans les deux sens tout en élevant l’art de la digression à des niveaux insoupçonnés de fractalisation.

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9 janvier 2008

Prisons Tchèques Pt. 2

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 8:08

Bon, reprenons.

La dernière fois, nous apprenions, à la grande surprise du jeune Dave, que non, la musique n’adoucit pas toutes les moeurs, surtout à partir de 130 bpm.

Cette fois-ci, notre héros, légèrement moins boutonneux mais non moins jeune, apprend à ses dépends que le hasard à parfois des hoquets un peu chiants.

La suite de l’histoire se déroule pas mal d’années plus tard : beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts de la Vltava depuis ce précédent épisode qui demeurait enfoui dans les souvenirs lointains et embrumés d’une jeunesse quelque peu chaotique et embrumée elle aussi. Suivant un plan de carrière solidement établi sur un coin de table de bar à 5 heures du matin, j’étais parti tenter gloire et fortune sur un autre continent où je commençais à avoir mes habitudes, ce qui n’empêchait pas d’occasionnels pèlerinages dans mes capitales européennes favorites. C’est à l’occasion d’un de ces passages que je renouais un soir avec la faction non-armée du front trotskiste de libération des sofas parisiens, branche canabique, en la personne de Nico.

Ah, Nico.

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2 janvier 2008

Prisons Tchèques Pt. 1

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 3:03

Comme je l’évoquais il y a quelque temps, un détail amusant de ma notice biographique (à paraître prochainement dés que j’aurais fini de convaincre Jean d’Ormesson de l’écrire) est que, en dépit d’origines me prédisposant pourtant peu à une vie de crime et de forfaitures, j’ai été jeté par deux fois en prison. Pas n’importe où non plus, puisqu’il s’agissait, en chaque occasion, des délicieuses geôles de la République Tchèque, qui figurent pourtant assez bas au classement international des destinations touristiques incontournables.

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18 juin 2007

Auto-Posté : Notre-Dame des Alpages Sauvages

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 3:03

Le Réveil

Trois claquements de main.

Pesants, lents, prégnants.

Blanche. Demi-pause. Blanche. Demi-pause. Blanche.

Trois coups du brigadier, puis, quelques secondes plus tard, en guise de lever de rideau : la lumière crue qui inonde le dortoir.

Stimulus-réponse pour rats de dortoir pavloviens. Tous les matins sans exception. Aujourd’hui encore, il me suffit d’entendre, ou de croire entendre, ces trois claquements de main pour me redresser d’un bond dans mon lit en cherchant des yeux ma trousse de toilette et ma serviette.

Celle qui claque des mains, c’est Mme Whitman. Un traitement de faveur réservé aux « petits ». L’année prochaine, chez les grands, c’est au mieux un aboiement peu amène du pion qui précédera l’allumage général au dessus des lits. C’est elle aussi dont les talons résonnant lourdement sur le parquet annoncent aux plus somnolents qu’un appel de leur nom est imminent, suivi d’une invitation sèche à s’extraire séance tenante du confort de la couverture où ils se sont réfugiés dans le vain espoir d’y prolonger leur nuit de quelques minutes. C’est elle qui contrôle que la routine matinale se déroule sans accroc, que pas une étape n’est grillée par quiconque, pas un coin de lit non bordé, une dent non brossée, un cheveu non coiffé, un ongle non récuré, une chemise non rentrée… En temps limité bien sûr, puisqu’à sept heures sans faute, c’est le signal du départ vers le réfectoire, en file et au pas cadencé.

Comme la plupart, j’ai vite évalué les deux scénarios possibles pour la routine du matin.

D’un coté, les plus rapides sont au pied de leur lit avant même le troisième coup, leurs vêtements, préparés avec minutie la veille, sont enfilés et noués en un quart de seconde, premiers au lavabo, premiers sortis, premiers en ligne pour descendre au réfectoire, premiers servis, premiers sortis, heureux possesseurs d’une demi-heure de quiétude non-supervisée arrachée aux rigueurs de l’emploi du temps.

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27 juin 2006

Babouineries pt. 1

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 8:25

Il y a quelques années, lors d’un séjour prolongé en Thaïlande, Ian m’avait convaincu de l’accompagner à son entraînement quotidien de muay thaï.

L’entraîneur, un petit Thaïlandais assez jovial, était parait-il l’un des rares de tout Bangkok à accepter les farangs à ses cours, une ouverture d’esprit inhabituelle peut-être due au fait qu’il avait lui même pas mal voyagé dans sa jeunesse. Par un hasard d’autant moins improbable que ce n’en était pas tout à fait un, il se trouvait aussi connaître le maître du dôjô de kyokushin que j’avais fréquenté à Tokyo l’année précédente. Je me gardai bien de tempérer son enthousiasme en lui précisant que mon assiduité n’avait guère dépassé une demi-saison, par manque d’intérêt pour les techniques particulières propres à cet art martial : frapper des heures durant des piliers de bambou vert avec ses tibias et ses avant-bras, ça fait de formidables montages de séquences dans les films; dans la réalité, ça donne juste une couleur mauve-bleuâtre, très peu seyante pour la plage, à toutes vos extrémités.

Entre deux commentaires en japonais sur la rudesse de l’hiver Tokyoïte, il m’assurait qu’une carrure de pygmée occidental telle que la mienne n’était en rien un obstacle à une carrière sérieuse en muay thai, bien au contraire… Ce que confirmait un rapide coup d’oeil sur la salle, où seule la stature de bûcheron canadien de Ian semblait dominer la mienne… Que j’eûs commencé sous son entraînement à l’âge de onze-douze ans et tout aurait été possible, soupirait-il. Je regardai l’arcade sourcilière fraîchement cicatrisé de Ian, songeai au récit de son mois d’hospitalisation à Phuket et acquiesçai poliment en me disant que l’heure de judo hebdomadaire de mes tendres années au club des Petits Poussins du Yorkshire n’avait pas été si terrible, rétrospectivement.

Le muay thaï quant à lui, était tel que Ian me l’avait présenté : une technique de combat aussi vicieuse qu’efficace, sans autre finalité que de faire une guirlande avec les oreilles de l’adversaire à la fin de l’affrontement. Un art martial n’ayant d’art que celui de foutre des claques militaires sur la gueule des pays voisins pendant un demi-millénaire.

Evidemment, ramené à une époque où le 9mm arrête le Birman au moins aussi sûrement qu’un coup de coude dans le creux de la clavicule, il fallait bien trouver une utilité à un sport qui, contrairement à la plupart de ses collègues asiatiques, n’a jamais eu de visées métaphoriques sur l’Harmonie du Vivant et de la Voie Céleste ou tout autre concept philosophique pouvant s’apprendre à coup de tatane dans la gueule. Cette utilité, fut trouvée dans la reconversion en sport unificateur national : un peu comme la balle-au-pied de nos contrées, juste plus sanglant et légèrement moins chiant. Comme chez nous, on y trouve toutes sortes de matchs : des petits, des grands, des locaux, des nationaux, des truqués, des moins truqués etc.

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et ignotas animum dimittit in artes