Pour être tout à fait franc, j’avais non seulement présagé l’intérêt particulier que susciteraient mes déclarations sur la perte des illusions de jeunesse (l’angoisse de la sénilité a depuis bien longtemps supplanté celle de la mortalité dans les discussions de salon, de ce coté-ci du Sahara), et je songeais même depuis plusieurs semaines au billet incisif et argumenté qui suivrait cette entrée en matière. Un billet où j’aurais ironisé sur les étranges effets secondaires des voyages en avion sur les affiliations politiques (vous embarquez quelque part une faucille à la main et débarquez dans un autre pays vêtu d’une chemise brune sans même vous en apercevoir). Un billet où j’aurais fait le bilan du pour et du contre, en arguant fallacieusement que l’on ne peut pas être un vieux con quand on écoute la musique de sauvage que j’écoute.
Et puis ce matin, une bouteille de vodka calé entre les genoux, à fignoler les détails de Monde 2.0 avec Pierre, assis sur le toit de l’immeuble (une vieille habitude) tout en faisant des tests aéronautiques avec les feuilles du Figaro piqué au paillasson matinal du voisin (une autre vieille habitude), j’ai eu une révélation:
C’est pas parce qu’on sort de l’âge légal pour être un jeune con qu’il faut automatiquement devenir un vieux con.
En faisant un peu d’effort, on peut aussi redevenir un petit con très convaincant. Et c’est quand même vachement plus marrant.