Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

27 juin 2006

Babouineries pt. 1

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 8:25

Il y a quelques années, lors d’un séjour prolongé en Thaïlande, Ian m’avait convaincu de l’accompagner à son entraînement quotidien de muay thaï.

L’entraîneur, un petit Thaïlandais assez jovial, était parait-il l’un des rares de tout Bangkok à accepter les farangs à ses cours, une ouverture d’esprit inhabituelle peut-être due au fait qu’il avait lui même pas mal voyagé dans sa jeunesse. Par un hasard d’autant moins improbable que ce n’en était pas tout à fait un, il se trouvait aussi connaître le maître du dôjô de kyokushin que j’avais fréquenté à Tokyo l’année précédente. Je me gardai bien de tempérer son enthousiasme en lui précisant que mon assiduité n’avait guère dépassé une demi-saison, par manque d’intérêt pour les techniques particulières propres à cet art martial : frapper des heures durant des piliers de bambou vert avec ses tibias et ses avant-bras, ça fait de formidables montages de séquences dans les films; dans la réalité, ça donne juste une couleur mauve-bleuâtre, très peu seyante pour la plage, à toutes vos extrémités.

Entre deux commentaires en japonais sur la rudesse de l’hiver Tokyoïte, il m’assurait qu’une carrure de pygmée occidental telle que la mienne n’était en rien un obstacle à une carrière sérieuse en muay thai, bien au contraire… Ce que confirmait un rapide coup d’oeil sur la salle, où seule la stature de bûcheron canadien de Ian semblait dominer la mienne… Que j’eûs commencé sous son entraînement à l’âge de onze-douze ans et tout aurait été possible, soupirait-il. Je regardai l’arcade sourcilière fraîchement cicatrisé de Ian, songeai au récit de son mois d’hospitalisation à Phuket et acquiesçai poliment en me disant que l’heure de judo hebdomadaire de mes tendres années au club des Petits Poussins du Yorkshire n’avait pas été si terrible, rétrospectivement.

Le muay thaï quant à lui, était tel que Ian me l’avait présenté : une technique de combat aussi vicieuse qu’efficace, sans autre finalité que de faire une guirlande avec les oreilles de l’adversaire à la fin de l’affrontement. Un art martial n’ayant d’art que celui de foutre des claques militaires sur la gueule des pays voisins pendant un demi-millénaire.

Evidemment, ramené à une époque où le 9mm arrête le Birman au moins aussi sûrement qu’un coup de coude dans le creux de la clavicule, il fallait bien trouver une utilité à un sport qui, contrairement à la plupart de ses collègues asiatiques, n’a jamais eu de visées métaphoriques sur l’Harmonie du Vivant et de la Voie Céleste ou tout autre concept philosophique pouvant s’apprendre à coup de tatane dans la gueule. Cette utilité, fut trouvée dans la reconversion en sport unificateur national : un peu comme la balle-au-pied de nos contrées, juste plus sanglant et légèrement moins chiant. Comme chez nous, on y trouve toutes sortes de matchs : des petits, des grands, des locaux, des nationaux, des truqués, des moins truqués etc.

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2 juin 2006

La Caverne

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 1:36

I love deadlines. I like the whooshing sound they make as they fly by.
Douglas Adams

En ce moment, c’est la saison des deadlines à la maison. Et pendant que les lignes n’en finissent pas de mourir, mon appartement achève rapidement sa mutation en Game Boy géante.

Vous connaissez Tétris? C’est mon évier.

Je m’explique :

Le tournant irréversible d’une partie de Tétris, c’est ce moment où vous avez rempli presque tout l’écran et qu’il ne vous reste même plus de quoi manœuvrer suffisamment les nouvelles pièces, signe annonciateur d’une fin proche et inéluctable. Ramené à l’échelle de mon évier : ce serait quand l’espace en dessous du robinet devient trop exigu pour pouvoir laver ce qui en bloque l’accès ou, a fortiori, y glisser la bouilloire du matin. La seule solution consistant alors à démarrer des parties sur toutes les surfaces planes environnantes en espérant que le chat ne se décide pas à jouer à Donkey Kong avec les cristaux Saint-Louis en équilibre instable sur la cuisinière.

Pour le reste : le matin, c’est surtout Zelda. Vous savez ce jeu à la con où vous passez des heures à parcourir un plateau monotone parsemé d’obstacles, à la recherche de cette putain de clepsydre magique (ou de votre carte orange, suivant les cas) qui se cache quelque part sous une pile de bouquins ou dans une carcasse de pantalon mort.

Le monstre du labyrinthe, c’est un estomac sur pattes à poil ras qui semble faire une fixation sur son stock de croquettes du lever au coucher (le sien, pas le mien), ne me rappelant que trop bien que ma dernière boîte de céréales a rendu l’âme il y a trois jours. Une allégresse devant sa gamelle presque irritante dans ces conditions. Je continue à l’engraisser quand même, on sait jamais.

Il faut être honnête : si nous en sommes arrivés là, c’est aussi par des choix peu matures quand à l’utilisation de l’heure quotidienne de loisirs et expression corporelle prévue par le planning. Loin de mettre celle-ci à profit pour tenter un redressement de la situation en regagnant accès à ma cuisine ou en évacuant la table du salon, je n’ai eu de cesse que d’aggraver les choses en dissolvant mes précieuses minutes de temps libre dans des activités futiles et souvent peu propices à l’assainissement de mon espace de vie. J’ai même poussé l’inconvenance jusqu’à recevoir quelques visiteurs, pourtant du sexe réputé faire cas de tels détails ménagers, me reposant secrètement sur l’espoir que la juxtaposition incongrue d’une demi-douzaine de Dom Ruinart vides, un quintal de notes et ouvrages pseudo-scientifiques divers et un chat obèse, suffirait à établir ma caution poético-scientifique et les convaincre le cas échéant de m’aider à retrouver le lit enterré sous les-dits objets.

On néglige beaucoup trop, de nos jours, le pouvoir de conjuration érotique des oeuvres de Wittgenstein.

et ignotas animum dimittit in artes