Saison faste pour la postiférance.
Sauras-tu, ami lecteur, en deviner l’improbable cause?
Point d’inquiétude, il en sera certainement question prochainement.
En attendant, ne te réjouis pas trop, tendre compagnon de ma plume, car avec la cadence de rendement, vient la chute de qualité. Et je l’illustre céans par une digression para-bloguistique des plus laborieuses.
Encore quelques jours et je passe à la chronique quotidienne des habitudes alimentaires de mon poisson rouge.
Parmi les thèmes récurrent de mon répertoire de discussions convenues pour salon parisien, figurent bien entendu à une place proéminente : les parcelles autobiographiques à caractère exotique, drolatique ou culturelle. Non pas seulement qu’à l’instar d’Oscar, mon auguste personne soit le sujet que je maîtrise le mieux (à voir), mais surtout par paresse intellectuelle, et aussi parce que la vaste majorité des alternatives conversationnelles m’est hautement rébarbative. Je ne supporte tout particulièrement pas de devoir tenir la jambe à d’innocents poncifs semi-littéraires que des parisiens fats et incultes se font généralement un devoir de pilonner sans amour, à seule fin d’asseoir la marque galvaudée du radis cultivé, ce légume fade qui a toujours bénéficié du meilleur purin en grandissant.
Mais pour être honnête, j’aime bien ça, décrire les choses, les gens, les situations, confronter mes expériences à celles d’autrui, stimuler au besoin la confidence par mes propres radotages nombrilistes.
Dans ces discussions, et contrairement aux divagations fantaisistes du présent blog où toute ressemblance avec des faits ou personnes ayant pu exister serait purement fortuite (surtout le sexe et les drogues, maman, surtout le sexe et les drogues), je me borne toujours à la réalité la plus simple. J’enjolive rarement, expurge occasionnellement mais n’invente jamais. Pourquoi? Certainement pas par éthique. Mais tout simplement parce que mes talents de mémorisation, voire d’observation, surpassent aisément mes piètres talents d’imagination. Aucune fausse modestie ici : j’ai la soif d’expériences des gens à l’imaginaire personnel trop exigu. C’est un peu mon hobby, collectionner les expériences (pas que les miennes, je fais aussi volontiers dans la seconde main) : légèrement moins chiant que la philatélie, nettement moins encombrant que les voitures de sport.
Quoi qu’il en soit, il n’est pas sans ironie que le plus incrédule d’entre les cyniques ne fût aussi le dernier à se douter qu’on puisse parfois le prendre pour un fallacieux fabulateur quand il n’en est justement pas un. Cette réalisation inattendue, que je dois à la fameuse goujaterie française dont je serais bien hypocrite de m’offusquer puisqu’on me la reproche suffisamment souvent à juste titre, bien loin de m’énerver, m’intéresse au plus haut point par ses implications multiples. D’abord, oserais-je l’avouer, parce que l’insinuation est en soi des plus flatteuses, puisqu’elle sous-entendrait un intérêt à se parer des souvenirs qui sont miens, leur donnant implicitement une valeur que je n’aurais sincèrement pas songé à leur donner.
Mais surtout, parce que cela m’aide à réaliser en toute candeur l’étendue des divergences qui existent entre ma conception un peu étrange de la vie, et celle des gens qui trouvent matière à envier, s’émerveiller ou mépriser des choses somme toute bien banales à l’échelle cosmique. Et même à l’échelle humaine, d’ailleurs. Il y a bien longtemps que je ne classe plus les clowneries immatures, la fréquentation inopinée de pop-stars internationales au nez repoudré, voire de nombreux critères plus traditionnels de réussite sociale, au rang des grands moments de ma petite vie. Matériau à anecdotes de premier choix, certainement, mais guère plus.
Les vrais moments, les autres, ceux qui comptent, je les partage pas aussi volontiers. Moins intéressants? Probablement. Pas à vendre, surtout. Plus chers en tout cas. Certainement pas dans tes moyens, cher connard à l’intérêt malsain pour l’histoire de cette amie commune, du sort de laquelle tu t’étais instantanément détaché, le jour où tu réalisas qu’elle ne serait jamais ni ta maîtresse, ni la mère de tes héritiers, ni même une pièce efficace sur l’échiquier de tes relations sociales… Mais nous digressons. Régressons plutôt :
Quand on pontifie sur le sujet cent fois rebattu des grands moments de la vie qui ne sont pas ceux que l’on croit et qu’il faut savoir accorder de l’attention aux petits détails et dessine moi un mouton et va donc voir chez le renard si j’y suis… il est de bon ton d’ajouter aussitôt, l’oeil mouillé et sans perdre son public du regard, qu’en fait, c’est ces instants inégalables passés à contempler dans la simplicité le soleil se couchant dans la mer tout en pianotant Frédéric et en tripotant Monique (ou l’inverse) qui nous ont fait réaliser la vacuité de l’existence et l’importance de ces petits plaisirs et des premières gorgées de bière et de l’essentiel qui est invisible pour les yeux et va donc jouer avec le serpent là-bas et fous moi la paix deux secondes, veux tu… Ça ou quelque autre souvenir élégiaque pseudo-spirituel de mérite comparable.
Eh bien justement non. Moi, mon petit musée personel des grands moments morts pour la postérité, il est chiant comme un vernissage d’art abstrait sans cocktails, rempli de détails qui n’intéressent que moi et pour cause : c’est ma vie, pas un bouquin de Hermann Hesse. Et quand bien même il contiendrait des oeuvres dignes d’intérêt, je ne vois pas pourquoi je le partagerais avec le premier venu, surtout quand la boutique de souvenirs pas chers fabriqués à Taiwan, suffit amplement à satisfaire le gros de la clientèle.
D’accord : tout ça n’explique pas comment un jeune homme, pourtant a priori fréquentable, est parti faire l’andouille aux quatre coins de là bas, au moment même où tous ses petits camarades bossaient déjà dur pour devenir banquier.
Là encore, la réponse est évidemment moins glorieuse que la question ne le laisse sournoisement entendre…
On en reparle, promis. Après-demain, même lieu, même heure?
Pourquoi j’ai l’impression que ce billet m’est un peu destiné. Parce que je représente le cinquième de ton lectorat ou juste mon égo surdimensionné ?
J’espère ne pas te vexer en te disant que le caractère exotique et pittoresque de ce que tu racontes ne m’importe que peu (mais alors un tout petit chouya), mais que c’est ta plume qui me dépayse. Ç’aurait été le quotidien d’un gardien de chèvres au Larzac que ça m’aurait émue tout autant (et d’ailleurs pour moi, le Larzac est aussi exotique que Tokyo ou les zétazunis d l’Amérique). J’attends donc avec impatience la chronique du régime alimentaire de ton poisson rouge.
Cette rectification faite, permets-moi de faire le parallèle avec moi, moi et toujours moi (tu me le dis si je te lasse, comment ça ? moi ?). Le même manque d’imagination qui me limite aux récits autobiographiques, et parfois la même incrédulité de mon petit public. (Ce ne serait pas toi la thèse du vieil universitaire ?) Alors que si on y regarde bien, il n’y a pas de quoi fouetter une chatte : 4 ou 5 portraits d’amants somme toute très classiques, même pas d’orgies, de pénétrations multi-orificielles ou pluri-cul-turelles. Contrairement à toi, ma vie est d’une banalité con-fondante.
Comment par Douda — 5 septembre 2006 @ 1:53
Ah, bouillante Douda, me voici forcé de faire preuve de la muflerie la plus complète et de m’empresser de corriger la fautive absence de contexte qui t’a ainsi enduite d’erreur de la tête aux pieds. Non, ce billet ne t’était pas destiné. En tout cas pas destiné de cette façon. Pour le reste, nos sources nous assurent que tu constitues entre 30 et 70% du lectorat pondéré de ce blog (la marge d’erreur dépend essentiellement des approximations sur la masse mammaire). Autant dire donc que j’écris exclusivement pour toi, mon chat, mes amnésies et mes insomnies.
Néanmoins, la motivation derrière ce billet est bien plus prosaïque et comme il se doit, sans rapport aucun avec ce blog ou les blogs en général. Ce qu’il serait convenu d’appeler une diatribe. Ça risque de se reproduire assez souvent, j’en ai bien peur, dans les jours à venir, le temps que tout se tasse un peu…
Mais ne boudons pas notre plaisir, puisque grace à ce petit malentendu, tu nous fais l’honneur de réflexionner en choeur sur la chose… avec des opinions dans lesquelles je me retrouve entièrement, à commencer par le fait que l’exotisme est chose bien relative, et que le Larzac m’est probablement plus mystérieux que la plupart des contrées dont il a été question précédemment. Quant au doute en matière bloguistique, il est somme toute un peu plus naturelle et à la fois bien moins pregnant au problème. Que m’importe en effet que tu sois en réalité un vieux croulant (universitaire? j’ai dit ça moi?), puisque c’est tes lignes, et non tes courbes, que j’apprécie quotidiennement.
Après, interviennent toutes sortes de débats sur la valeur de l’authentique, l’éthique de l’écrivain etc. etc. Un sujet pas moins intéressant mais bien plus sérieux dont j’ai d’ailleurs songé à discourir par le passé, mais qui n’est pas vraiment le centre de mes réflexions présentes.
Pas de quoi fouetter une chatte (consentante) dans tes écrits? Ça reste à voir…
S’il est vrai que l’on n’y recense pas les débordement pornographesques de certains auteurs néo-féministes récents, tendance double-sodomie-jambon-beurre, on y retrouve en revanche une liberté de ton, une finesse et surtout une pointe de cynisme qu’il serait difficile de mettre sur le compte de l’aigreur de la mal-baisée, pour d’évidentes raisons… Comment veux-tu dans ces conditions, que l’innocent visiteur ne se sentisse pris au dépourvu à l’idée qu’une telle personne existe mais qu’en plus, elle soit de sexe féminin?
Comment par dr Dave — 6 septembre 2006 @ 1:11
[…] Bien sûr, il fallait que ce soudain revirement ait lieu alors même que je laissai bien malgré moi en suspens mes ruminations de tantôt, plutôt négatives et manquant cruellement d’un pendant, sinon positif, en tout cas constructif. Conscient du risque que la rédaction de cette suite ne succombe au passage du temps et à l’évolution de mes humeurs, je me permet de m’affranchir des habituels efforts en matière d’élaboration et de relecture pour vous livrer les quelques bribes d’idées qui me trottaient dans la tête alors et que je ne me sens pas de remiser jusqu’à la prochaine insomnie litéraire. Pour un peu, je pourrais juste enlever toute ponctuations et appeler ça du courant de conscience, mais ma cuistrerie s’arrête quelques degrés en deçà. […]
Ping par L’Automne à Paris » Ce que je me raconte… — 10 septembre 2006 @ 11:44