I think it was John Lennon who once said ‘life is what happens when you’re making other plans’… Although he also said ‘I am the walrus, I am the eggman’, so I don’t know what to believe. Tim Canterbury
L’écriture à vocation thérapeutico-soporifique (mon sommeil, hein, pas le vôtre, a priori) est par essence un genre plutôt frustrant, puisqu’elle aboutit toujours soit à la lassitude, et donc l’échec, soit au succès, et donc à l’abandon. En l’occurrence, ça marche plutôt bien (pour moi), puisqu’à la difficulté de fermer l’oeil, à succédé celle de le garder ouvert après le coucher du soleil. Suivant votre degré de foi en la matière, il peut s’agir soit d’un résultat probant pour les vertus curatives de l’écriture, soit d’une simple coïncidence et d’une accumulation de fatigue physique et psychique dépassant finalement le seuil de tolérance.
Bien sûr, il fallait que ce soudain revirement ait lieu alors même que je laissai bien malgré moi en suspens mes ruminations de tantôt, plutôt négatives et manquant cruellement d’un pendant, sinon positif, en tout cas constructif. Conscient du risque que la rédaction de cette suite ne succombe au passage du temps et à l’évolution de mes humeurs, je me permet de m’affranchir des habituels efforts en matière d’élaboration et de relecture pour vous livrer les quelques bribes d’idées qui me trottaient dans la tête alors et que je ne me sens pas de remiser jusqu’à la prochaine insomnie litéraire. Pour un peu, je pourrais juste enlever toute ponctuation et appeler ça du courant de conscience, mais ma cuistrerie s’arrête quelques degrés en deçà.
Ceux qui ne m’accusent pas de mettre en scène, croient souvent me faire plaisir en me congratulant pour la même raison. Moins énervant, mais pas moins faux. Je n’ai pas « beaucoup vécu », j’ai beaucoup vu. peut-être. Une différence cruciale : voir ne demande guère d’effort, ni de courage, ni de moyens. Essentiellement la simple volonté. Voir n’est pas non plus une question de distance, ni d’endroit. On peut voir au moins autant dans le Larzac qu’au fin fond des rues de Hong Kong pour peu qu’on y attache le même regard (oui ma chérie, c’est bien à toi que je m’adresse, cette fois-ci). Est-ce que voir requiert de renoncer à faire? Pas dit. Mais il est facile de renoncer à voir, en se convaincant qu’il vaut mieux faire dans la petitesse que voir dans la grandeur. En se disant aussi que l’on a assez vu. Les gens nombreux qui vantent ou doutent de mon prétendu courage à me priver de congés payés ou de fromages au lait cru pour des contre-parties incertaines en contrées lointaines, appartiennent souvent implicitement à cette dernière catégorie. Même s’il ne s’en rendent pas compte. Pour eux qui estiment leur connaissance du monde amplement suffisante, la seule idée de vouloir en voir plus, relève du dévouement scientifique le plus exemplaire.
Quatre-vingt-dix pour cent chance, dix pour cent curiosité, ai-je l’habitude de dire. Aucun sacrifice, aucun sacerdoce, juste la curiosité de savoir ce qu’il peut bien y avoir par delà la montagne magique. Aussi, le sentiment perpétuel qu’ici ne vaut pas intrinsèquement mieux que là-bas, à supposer que j’arrive à définir un ici et un là-bas. Le gène apatride, je le dois probablement à mes propres parents, qui, bien qu’ayant judicieusement délégué un certain nombre d’enseignements, ont néanmoins pris la peine de couvrir les fondamentaux, en m’inculquant avant tout la saine méfiance des imbéciles heureux qui sont nés quelque part… Ça, et les kiplingueries habituelles sur les Rois, la Terre et tout ce qui la recouvre, que j’ai bien sûr entièrement brûlé à seize ans, mais il a bien dû en rester quelque chose. Le reste, c’était probablement pas dans le programme. Mais à leur décharge, je les soupçonne de ne m’avoir jamais tout à fait vu finir en PDG aux dents longues, même lorsque cela semblait en apparence nettement plus plausible.
En fait, il m’a toujours amusé de croiser au détour de mes pérégrinations et dans les endroits les plus improbables, un nombre statistiquement invraisemblable d’anciens compagnons de cellule monastique. Eux aussi ayant souvent fait la même constatation de leur coté, la discussion de ce phénomène a occupé une part non-négligeable de ces prolixes discussions de retrouvailles. Vu de dehors, l’explication saute aux yeux : quand on a grandit entre quatre murs, aussi espacés soient-ils, on a souvent tendance à se rattrapper plus tard…
En fait, c’est plus compliqué. Durant ces années d’enfance passées en pension, et contrairement aux clichés Dickensiens les plus appuyés, je n’ai jamais eu l’impression, ni d’être prisonnier, ni d’être exilé loin d’un hypothétique chez moi. Ce n’était probablement pas le niveau d’insouciance que j’imagine être celui de ceux qui grandissent chez eux, mais la discipline avait quelque chose de rassurant qui n’encourageait pas vraiment à se rebeller ou à aller chercher ailleurs (autrement bien sûr qu’en expéditions nocturnes vers le pensionat pour filles du couvent voisin, mais ça c’est une autre histoire). En fait, même ceux qui endossaient régulièrement leur costume de Steve McQueen des alpages, le faisaient plus par réflexe ou par ennui, que dans l’idée d’une hypothétique liberté qu’il leur fallait retrouver. L’impact à l’âge adulte, je pense que c’est plutôt l’habitude de ne pas vraiment avoir de chez soi de son enfance, autre qu’un lit numéroté dans une campagne reculée de quelque coin d’Europe, contrasté avec une sensation accrue de liberté complète, qui échappe facilement à ceux que l’on a doucement fait glisser vers l’âge adulte.
Bon, et moi je glisse rapidement vers l’heure de mon train, donc je vous laisse là. Je vous avais prévenu que c’était pas du grand billettage (c’est même pas relu, alors vous ignorez les innombrables phôtes de frappe dont je suis coutumier, au moins jusqu’à lundi). Pour la fréquence : après une baisse considérable dans les deux prochains jours pour cause de retraite anachorètique, je ne pense pas que ça se calme tout de suite. Et pour les raisons de la fréquence, on en reparlera peut-être aussi… Mais vous vous en doutez probablement un peu, on a besoin de thérapie ces jours-ci : la saison des dates anniversaires bat son plein et la réouverture de faille spatio-temporelle est imminente.
C’est le genre de billet qui me donne l’envie de faire l’amour avec toi. Je dois être une femme quelque part.
Commentaire by Laurent — 9 septembre 2006 @ 1:22
C’est le genre de billet qui me donne envie de faire l’amour avec toi. Et je suis une femme.
Commentaire by Douda — 9 septembre 2006 @ 5:57
C’est le genre de billet qui ne me donne pas particulièrement envie de faire l’amour avec toi. Mais en fait, je n’ai pas spécialement envie de faire l’amour avevc toi dans l’absolu, même si je suis une femme.
Par contre, c’est le genre de billet qui me rappelle, comme si je l’avais oublié, pourquoi tu me « plais » tant et pourquoi je « t’apprécie » tant, sur le fond.
Commentaire by Lisbeï — 11 septembre 2006 @ 11:41
@Lisbeï, c’est parce que vous avez déjà votre kiné, alors que Dave est mon seul toubib…
Dr, je vois que tu as d’autres lectrices, qui ont même le privilège de te connaître en chair et en os (quoique « appréciant » exclusivement ton fond), alors que moi, je dois me contenter d’un « chérie » entre parenthèses…je ne sais pas si je pourrai m’en remettre.
Commentaire by Douda — 11 septembre 2006 @ 2:00
@ Douda: Je suis sure que tout comme mon kiné (je fournis l’adresse de cet homme divin sur simple mail), le Dr Dave reçoit plusieurs patients à pathologies variables 🙂 Et puis, Dr Dave est un homme moderne, et comme tous les hommes (modernes?), je suis sûre qu’il est partageur 🙂
(Vous ais-je dis que votre plume est magnifique?)
@Dr Dave: C’est pas passque tu me plais pas, hein, c’est juste parce que je ne veux pas me faire pinçer en pleine déclaration par mon futur co-locataire…
Commentaire by Lisbeï — 11 septembre 2006 @ 4:25
Laurent : je suis extrêmement touché de ton attention et si les conditions géo-sexuelles idoines se présentent un jour, je ne manquerai pas de t’en faire part. (Sinon, là, tu devrais pas être en train de choisir des alliances avec ton dulciné, plutôt que de draguer sur internet ?)
Douda : idem (avec une nette marge d’avance néanmoins).
Lisbeï : merci de rafraîchir un instant mon libidégo surdimensionné.
Sinon, moi aussi, je t’aime bien sur le fond, tu sais…
re-Douda : je suis un artiste plutôt simple et proche de mon public. C’est vraiment pas dur de m’observer dans le vif. Évidemment tu as manqué le dernier prétexte bloguistique mensuel, mais il y en aura certainement d’autres. Sinon je proposerais bien un L’Automne-à-Paris-Carnet, mais je crains aussi que les fantasmes quant à ma personne (écolière japonaise, homme mature, hétérosexuel détournable, blond d’un mètre quatre-vingt, kinésithérapeute à grosses mains…) ne supporteraient pas la confrontation à la réalité charnelle et nous nous retrouverions en tête-à-tête, ce qui n’est certainement pas souhaitable compte tenu de mon manque de conversation et ma forte tendance à suer abondamment du sourcil dans les moments de grand stress.
re-Lisbeï : Oh, mais j’avais parfaitement compris, et vu ma différence de gabarit avec le co-locataire en question, je crois que je préfère aussi la discrétion. Sinon, je suis peut-être moderne, mais pas franchement très partageur, ni partageable, d’ailleurs. J’y peux rien, j’aime pas prêter mes jouets depuis qu’on m’en a déjà rendu cassés.
Commentaire by dr Dave — 12 septembre 2006 @ 1:34
Le prochain Paris-carnet, je ne me dégonflerai pas (faut pas en déduire que je suis naturellement bombée). L’occasion aussi de rencontrer Lisbeï que j’ai plaisir à lire. Bizarrement, je suis une grande timide avec les filles et je n’ose pas laisser de commentaires (merci rougissant pour le compliment sur ma plume Lisbeï).
Dr, je renonce donc à te proposer un tête à tête et encore moi un tête à queue, on avisera selon les conditions géo-sexuelles du moment.
Commentaire by Douda — 12 septembre 2006 @ 2:30
« …Est-ce que voir requiert de renoncer à faire? Pas dit. » Et est-ce que faire requiert de renoncer à voir?… A se voir faire… Plutôt que se faire voir… Le brave Docteur Dave touche là, mine de rien, à une des questions essentielles de l’art en général, de l’art de vivre en particulier, et, accessoirement, mais ce n’est pas rien, de l’art d’écrire comme corrolaire à l’art de vivre. Inutile de citer ici (ni même ailleurs en fait!) la foultitude d’écrivains qui ont consacré leurs vies à essayer d’en faire des oeuvres tout en faisant oeuvre de leurs visions de la vie.
Celà dit ça ne me donne envie de faire l’amour avec personne c’t’affaire, bien trop occupé que je suis à voir si je vais faire ce que j’ai envie de faire, c’est à dire… voir.
‘tain Dave, tu m’prends la tête: j’retourne dans mon bistro avec des gars normaux… (et en plus v’la qu’j’vous tuvois…).
Briscard
PS: Sinon toujours impec, style et tout… continuez mon bon ami, continuez s’il vous plait.
Commentaire by Briscard — 13 septembre 2006 @ 3:54
Douda : il faut se méfier de la concrétisation de ses fantasmes épistolaires. Personnellement, j’en suis revenu depuis que j’ai rencontré en personne le type qui avait écrit ce vieux best-seller épique en deux tomes qu’on m’avait tant vanté depuis ma plus tendre enfance. Je m’attendais à un vieux à barbe blanche, majestueux, un peu soupe-au-lait sur les bords (du genre à balancer un coup de grêle dans la tronche d’un pharaon pour un oui, pour un non), mais dans le fond, empli de bonté et de sagesse… Au lieu de ça, il a débarqué en jeans déchirés, puant le whiskey à dix mètres et pas foutu d’aligner trois phrases cohérentes. Sans parler qu’il m’a jamais rendu les 100 balles qu’il m’a tapé ce soir là. T’imagines la déception face à l’auteur et, du même coup, face à l’oeuvre. Je crois que je m’en suis jamais remis.
Il va sans dire que rien ne me ré-jouirait plus qu’un tête(s)-à-tête(s), à défaut de tête-à-queue, avec ceux d’entre mon lectorat restreint qui se trouvent aussi figurer en tête de mes lectures admiratives. Néanmoins, compte-tenu des obligations obligeantes des semaines à venir ou sans avenir, il semble ambitieux d’espérer meilleur agencement que celui offert par le premier mercredi du mois prochain pas si lointain d’octobre. Ça te laisse deux semaines pour te regonfler et venir boire un lait fraise avec Lisbeï et moi (c’est moi qui régale).
Briscard : Les exemples et les contre-exemples fourmillent au point de tous plus ou moins s’annuler mutuellement. Au final, vouloir voir à seule fin de faire, ou inversement, me semble un calcul dangereux. Quant au manque de conjuration érotique de mes monologues existentiels du moment, tu m’en vois désolé, mais à vrai dire peu surpris.
Sinon : bonne chance avec la réouverture du Balto. Je suis passé devant l’autre soir, mais t’avais pas l’air d’être rentré de vacances et de toutes manières en ce moment, je bois pas : je suis encore plus chiant que d’habitude.
Commentaire by dr Dave — 14 septembre 2006 @ 1:06
Ça te laisse deux semaines pour te regonfler et venir boire un lait fraise avec Lisbeï et moi
… depuis quand elle boit du lait fraise Lisbeï … ?
ok je sors ;-p
Commentaire by Mel'O'Dye — 14 septembre 2006 @ 7:57
[…] Alors voilà : Ami lecteur, sauras-tu trouver le point commun inattendu entre les trois derniers morceaux de musique accompagnant les billets postés sur ce blog ? […]
Ping by L’Automne à Paris » Un petit jeu — 30 septembre 2006 @ 2:38
Merci Mel’ de prendre ma défense contre une telle ignominieuse calomnie!!
Un lait-fraise, moi, jamais!
(Par contre, j’ai rien contre une grenadine 🙂
Commentaire by Lisbeï — 4 octobre 2006 @ 1:10