Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

2 janvier 2008

Prisons Tchèques Pt. 1

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 3:03

Comme je l’évoquais il y a quelque temps, un détail amusant de ma notice biographique (à paraître prochainement dés que j’aurais fini de convaincre Jean d’Ormesson de l’écrire) est que, en dépit d’origines me prédisposant pourtant peu à une vie de crime et de forfaitures, j’ai été jeté par deux fois en prison. Pas n’importe où non plus, puisqu’il s’agissait, en chaque occasion, des délicieuses geôles de la République Tchèque, qui figurent pourtant assez bas au classement international des destinations touristiques incontournables.

Cela étant dit, et même s’il me peine de devoir entamer ma solide aura, à peine établie, d’héroïque dissident du Bloc de l’Est, je me dois d’ajouter qu’en fait de « prisons » aux sordides cachots desquels s’échapperaient les hurlements désespérés des oubliés de la Terre, il ne s’agissait que de vulgaires cellules de commissariat de quartier. Lesquelles, compte tenu des considérables efforts en la matière des autorités de l’époque, n’avaient guère à envier à la chambre d’hôtel de vos dernières vacances en Croatie. Je sais, ça en jette moins, dit comme ça, mais vu ma carrure, il m’a semblé préférable d’attendre encore un peu pour tester l’ambiance virile des goulags sibériens. Comme vous commencez à vous en douter, la réalité de ces épisodes de jeunesse ne tient guère les promesses d’épopée dramatique et pleines de moments forts et de souvenirs traumatisants à la Půlnoc Express qu’aurait pu suggérer leur formulation initiale volontairement racoleuse. Pour résumer et conformément à la logique géographique, on pourrait dire que ces bien banales aventures tinrent plus du kafkaïen que du dostoïevskien…

Mais laissons ce pauvre Franz tranquille et passons directement au premier chapitre de ce délayage d’anecdote insipide qui nous tient lieu de présent récit.

Il y a bien des années de cela, alors que, plus à l’est, s’achevait doucement la fonte des icebergs au soleil du capitalisme victorieux, naissait un délicieux petit pays dont les habitants n’étaient pas bien sûr s’il fallait qu’on l’appelle Tchéquie ou République Tchèque. Dégagés de la bienveillante protection de leurs amis conducteurs de chars soviétiques et en compagnie de l’ami Václav, les Tchéquiens embrassaient l’économie de marché traditionnelle et se découvraient un potentiel commercial insoupçonné dans l’industrie cinématographique spécialisée et l’export d’hôtesses d’accueil vers les quatre coins des Grands Boulevards parisiens. Parallèlement, par un quelconque accès de génie économique, il avait été décidé de diversifier quelques peu les priorités industrielles du pays, au risque de lui voir perdre son statut de leader mondial dans la production de peinture au plomb et de bottes en caoutchouc vulcanisé. Cette restructuration ne se fit pas sans victimes puisque l’on ne comptait plus à l’époque le nombre de cadavres d’usines jonchant les campagnes de Bohème, leurs cheminées ayant tristement abandonné tout espoir de refaire un jour jaillir ces adorables nuages rondouillets chargés de poussières toxiques.

Et ce dernier point touche à notre histoire, puisque c’est l’une de ces charmantes friches industrielles de rase-campagne qui avait été choisie par un groupe de jeunes amateurs européens de musiques contemporaines pour héberger une sorte d’hommage aux oeuvres de Steve Reich, Karlheinz et tous leurs héritiers. Avec 2000 watts, beaucoup de lumières colorées et une touche de sponsoring par l’industrie para-pharmaceutique locale.

Une destination idéale pour un bucolique weekend en amoureux loin de l’agitation parisienne.

Comment prévoir que la maréchaussée tchèque, peu mélomane et très peu portée sur les rassemblements spontanés de la jeunesse insouciante, mettrait non seulement prématurément fin à cette sauterie au petit matin mais prendrait en plus sur elle d’en inviter tous les participants à une after privée dans ses locaux.

Et c’est ainsi que bien des heures plus tard, dans la joie, la bonne humeur et une ferme invitation des autorités tchèques à passer mes vacances suivantes à la plage, je respirai l’air pur des campagnes praguoises, depuis le quai du premier train pour Nuremberg.

Je sais que vu d’ici ca peut paraître difficile à croire, mais à l’époque il ne faisait aucun doute que cette croustillante anecdote serait ma seule et unique rencontre avec l’univers carcéral tchèque…

4 Comments »

  1. Même tardivement, les promesses tenues honorent celui qui les réalise.
    Sinon le suspense me noue la gorge. A moins que ce ne soit un début de bronchite?…

    Commentaire by Briscard — 2 janvier 2008 @ 11:21

  2. Bon, il ne nous reste plus qu’à braquer Me LINUX pour obtenir la suite….
    Ravi de vous relire Dave, et merci pour votre sollicitude, nos petits coeurs auraient effectivement pu ne pas tenir face à un important afflux de messages.
    Quant à la fréquentation de votre site que vous évoquiez ci-avant, je rappelle à votre attention les termes de votre billet « Tu le sens mon gros Google, hein, tu le sens ? »…
    Merci pour ce billet, qui me permet de passer agréablement quelques minutes entre deux dossiers. C’est toujours un plaisir de savourer votre verve.
    Déçu par ailleurs de lire que la maréchaussée tcheque n’est pas mélomane.
    FéliX

    Commentaire by felixnemrod — 3 janvier 2008 @ 9:08

  3. […] La dernière fois, nous apprenions, à la grande surprise du jeune Dave, que non, la musique n’adoucit pas toutes les moeurs, surtout à partir de 130 bpm. […]

    Ping by L’Automne à Paris » Prisons Tchèques Pt. 2 — 9 janvier 2008 @ 10:32

  4. Briscard 
    Pour la bronchite : 1/3 rhum, 2/3 eau frémissante, une cuillerée de miel d’acacia.
    Inverser proportions rhum/eau si nécessaire.

    felixnemrod
    Quand j’évoquais la fréquentation de ce carnet, loin était de moi l’idée de m’en plaindre. La qualité de la compagnie prime largement sur sa quantité.

    Commentaire by Dave A. — 14 janvier 2008 @ 2:08

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et ignotas animum dimittit in artes