Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

10 avril 2006

Trois Souvenirs Acidulés pt. I

Posté dans : la Californie, par Dave A. à 5:45

I hate to advocate drugs, alcohol, violence or insanity to anyone, but they’ve always worked for me.
Hunter S. Thomson

Blackrock City, Nevada. 3 Septembre de la fin du second millénaire, vers 7 heures du soir.

Assis sur une caisse de champagne, j’opère le désensablage rudimentaire de mon verre avant d’y jeter quelques glaçons généreusement arrosés de vodka, jus de tomate puis d’une demi-douzaine d’épices et ingrédients variés. Au milieu du désert, le Bloody Mary est bien plus qu’un simple cocktail: c’est un breuvage indispensable à la survie de l’homme blanc en terrain aride semi-hostile. Fournissant d’une part sa ration de nutriments et sel minéraux au bédouin des temps modernes, lors que son niveau savamment contrôlé d’acidité citrique et de piments contribuent à garder éveillé chez le consommateur une saine envie de rester hydraté.

Il n’y a plus de raifort sauvage: un Bloody Mary correct étant désormais hors de question, il faut se rabattre sur un Cosmopolitan. Monde cruel.

J’ai à peine fini de servir le sien à Becky que Tom surgit et dépose le coffre à costumes à nos pieds en nous intimant de nous dépêcher pour ne pas rater l’allumage du bûcher qui ne saurait tarder.

A Oakland, Tom travaille dans un atelier de théâtre pour enfants. Il a fait les fonds de tiroir et ramené de quoi habiller la moitié du Névada aux couleurs du Muppet Show et de Sesame Street.

Au loin, la convergence des foules vers le lieu de la mise à feu s’intensifie. Quelques explosions. Entortillé dans un costume de grand oiseau jaune à moitié enfilé, Tom donne le signal de la course: une grenouille un peu éméchée sautille à ses talons en tentant d’enfiler ses bas verts et sa collerette, tous deux talonnés de près par une créature bleue qui tente avec un succès mitigé de ne pas renverser le contenu de son verre à martini tout en courant à peu près droit, tâche compliquée par l’épaisse couche de fourrure qui couvre toutes ses extrémités et l’absorption rapide d’une partie du-dit contenu dans l’instant précédant le départ. A l’horizon, la silhouette de bois géante joue sur la sémantique des clichés et s’embrase dans les derniers rayons d’un soleil couchant qui n’y est pas pour grand chose. Notre groupe ressemble à ce que pourrait donner un feu de savane pour une poignée d’animaux qui n’auraient pas lu Darwin et décideraient de gambader vers le foyer de l’incendie.

Troquant un instant son costume pour celui de Wile E. Coyote, Tom opère un dérapage freinant dans un nuage de poussière blanche sur le sol désespérément lisse de la playa, soulevant une aile et pointant du bec sa poche latérale: « Le sac, au fond à droite ! Vite ! »…

Quelques contorsions plus tard, Becky extrait péniblement une pochette de confettis multicolores. Nouveaux mouvements de bec fébriles: « Les rouges, attrapez les rouges ! ».

Trois plumes jaunes et deux boules de fourrure bleue se rencontrent au-dessus de deux énormes doigts palmés d’où émerge à peine une minuscule enveloppe transparente, taille timbre poste. La soudaine réalisation que pouces opposables et extrémités affinées font cruellement manque à toutes les mains présentes engendre un moment d’intense solitude collective.

Éclair de génie: ôtant temporairement une partie du costume, je regagne contrôle de mes doigts délicats de primate à peau lisse et résout brillamment le dilemme de la distribution.

La suite est beaucoup moins claire. Il nous faudra nous contenter de détails épars au degré d’historicité variable. Compte tenu du lieu, des circonstances et des personnes présentes il est raisonnable de penser que l’ambiance de western post-apocalyptique de cette nuit-là n’était pas entièrement dans mes synapses.

Je me souviens d’une obscurité pénétrante, percée à intervalles réguliers par des feux de camps autour desquels les hordes nomades tentent de se réchauffer (il fait froid la nuit, dans un désert) en faisant cuire des dîners un peu bizarres. Des animaux que je ne m’attendais guère à croiser à cette latitude. Un inconnu m’assure que le rhinocéros en broche qui tourne doucement sur les flammes n’a pas été trop difficile à attraper et apaise mes inquiétudes sur une rencontre inopinée en terrain plat à cette heure par un rappel sur les habitudes diurnes de l’animal.

Je me souviens de musiques étranges, de véhicules en état d’ébriété zigzaguant d’un endroit à l’autre. Du confort de ma combinaison intégrale en poil de yéti bleu.

Je me souviens avoir soudainement garé mon dragon en double-file, content d’avoir retrouvé Rachel, juste à temps pour l’aider à finir de cuisiner.

Je me souviens de la soupe à l’oignon de minuit: vieille tradition annuelle qui réunit notre groupe élargi pour un souper familial incongru de fin du monde ambiante. Remuant avec application la louche selon les instructions de Rachel, hypnotisé par la fumée s’élevant de l’immense marmite, je me souviens m’être souvenu d’une histoire bizarre de chaudron magique, de cochon et de roi maléfique qui a dû traumatiser en son temps plus d’un rejeton innocent de la génération post-Belle au Bois Dormant.

Je me souviens du chocolat chaud aux marshmallows partagé avec S., J. et H., sur nos chaises longues perchées au sommet du camion, lunettes de soleil sur le bout du nez, tentant de bronzer aux premiers rayons de l’aurore.

Je me souviens avoir croisé Dieu, bien sûr. D’ailleurs il avait pas l’air vraiment dans son assiette lui-même. Quand il m’a aperçu, il s’est mis a agiter ses bras frénétiquement et s’est enfui en hurlant qu’il n’aurait « jamais dû prendre le vert ». Probablement un mauvais trip.

3 Comments »

  1. Le truc chiantissime…. ou bien c’est Sage de Firefox qui déconne ou… je sais pas quoi.
    Bref, depuis « Assez ri »… no one.
    Ceci dit, te connaissant, je ne m’inquiétais pas trop. Tu n’es pas du style diarréhique.

    Tu vas me pardonner mais il me faut le temps de digérer les uns après les autres.
    Je suis lente.
    J’ai l’esprit d’escalier.
    Voire, je peux être nulle par flemme… si, si, la vie est fondamentalement épuisante !
    Pas fréquentable, quoi… mon caractère de cochon mis à part !

    A demain pour de nouvelles considérations qui ont peu de chances de changer le monde…

    Comment par Fugitive — 10 avril 2006 @ 9:17

  2. Hmn. J’ai manqué quelque chose? je comprend pas tout…

    Comment par dr Dave — 11 avril 2006 @ 5:31

  3. […] Les cours intérieur parisiennes les soirs d’été à l’heure du diner, la mousson Tokyoïte conversant avec les chats du quartier sur le rebord de ma véranda, les arômes de cinq-épices et de nuoc mam qui hantent tous les marchés du sud-est asiatique, le parfum scintillant de K. et son dos nu dansant sous les arbres, la mousse-à-raser mentholée au milieu du désert, l’encens qui brûle et les battements sourds d’une musique qui fait irrésistiblement bouger l’âme et le corps, les arbustes aux fleurs roses bordant l’allée des voisins à Palo Alto, l’air alourdi d’ozone avant l’orage de montagne, le sillage maternel chargé d’une brise de Balmain assortie au vert de son qipao un soir de réception, le tamarinier du jardin dans le soleil couchant des tropiques, les prémices de la narco-dépendance aux effluves de marqueur magique, la petite boîte-à-bijoux en bois de camphre et les chasses au trésor clandestines, le papier jauni et poussiéreux des vieux bouquins dénichés au grenier ou dans un recoin de bibliothèque oublié… […]

    Ping par L’Automne à Paris » Des parfums, je me souviens — 1 septembre 2006 @ 12:41

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et ignotas animum dimittit in artes