Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…
14 août 2014
Il y a quelque temps, j’ai soudain décidé qu’il fallait me trouver un nouveau hobby. Peut-être à cause du changement de décennie ? Ou peut-être parce qu’avec la perspective d’habiter à nouveau dans la même ville six ans plus tard, je voulais éviter de m’enfoncer trop facilement dans la routine de mes vieilles habitudes.
J’imagine que c’est comme ça que l’on se met au bingo ou à la broderie à l’approche de la retraite : le jour où on réalise que la demi-bouteille de gin par soir n’est pas un loisir viable sur le long terme, sans même parler de l’aspect social qui laisse souvent à désirer.
Comme je ne suis pas particulièrement doué pour le point de croix, le tambour japonais m’avait semblé une bonne idée.
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22 juillet 2014
C’est Shizu qui l’avait repérée la première : une petite araignée qui profitait de mon épaule accueillante pour faire un tour en ville sans payer son ticket de train. Rien de surprenant, après une après-midi à faire les idiots dans l’herbe de Yoyogi.
Elle avait l’air plutôt paisible. Ou plutôt il avait l’air paisible, puisque, hors présence de locuteurs méditerranéens, je refuse toujours de me plier à la dictature de ces tournures grammaticales genrées françaises qui font fi des plus élémentaires notions de biologie et de logique pour attribuer un sexe unique et arbitraire à une espèce entière (quand j’était petit, je ne comprenais absolument pas pourquoi ma petite cousine françouillaise s’entêtait à penser que le mari de Madame Grenouille, c’était Monsieur Crapaud, alors que Monsieur Grenouille semblait un candidat beaucoup plus logique, compte tenu des coutumes administratives en matière de partage des noms entre époux). J’étais occupé à compter ses pattes et ses yeux, pendant que Shizu et Chiho tergiversaient sur la signification profonde de ce présage dans la culture locale, s’accordant finalement pour une condamnation à mort de l’arachnide voyageur, au motif qu’il faisait déjà nuit, et que tout le monde sait que les araignées du soir sont signe de malchance. Alors que le matin, oui, c’est bon signe.
Apparemment, les petits vieux qui occupent leur soirées d’hiver à fabriquer des dictons à la con ne se concertent pas entre pays, fût-ce pour éviter de se contredire aussi sottement. Peut-être une question de fuseau horaire.
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19 juillet 2014
On prenait tranquillement le thé dans un salon un peu guindé de Ginza, quand Eiko m’a demandé si je l’accompagnerais pas à sa première soirée fétichiste. Une vraie, avec du S, du M, du Q et un demi alphabet d’autres déviances sexuelles. Sur l’instant, je me tâtais un peu. Principalement parce que je n’étais vraiment pas habillé pour l’occasion et je portais la paire de Ferragamo que j’aime bien. En plus, le sexe d’après-midi, c’est comme le petit-déjeuner : plus plaisant en nombre restreint et à proximité d’un lit.
Renseignement pris, j’avais une semaine pour trouver quelque chose de moins coûteux et plus facile à ravoir à l’eau de javel que le cuir italien.
À part ça, j’étais partant. C’est d’ailleurs probablement pour ça qu’Eiko m’avait demandé, en dépit du caractère raisonablement peu dévêtu de nos sorties nocturnes habituelles : je suis toujours partant. Surtout quand il s’agit de porter des costumes et s’adonner à des activités douteuses voire illégales. Heureusement que j’habite pas dans le Mississipi des années 60 : sur un malentendu, je me serais probablement retrouvé avec un drap de lit sur la tête en train de mettre le feu à des églises Afro-américaines.
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4 août 2012
Les dernières notes d’Iggy, ou plutôt de notre piètre restitution, résonnent encore dans l’air lorsque nous refaisons surface en plein Dotombori, au milieu des bars et karaokés somnolents. Les cicadas ont pris le relais dans un petit jour étonnamment peu étouffant pour une fin de juillet dans le Kansai.
Certains matins fleurent l’euphorie et les bouffées éthyliques, d’autres la défaite et les hoquets d’alcools qu’on commence déjà à regretter. Celui-ci sent juste la satisfaction d’une sortie qui s’arrête au bon moment et au bon endroit. C’est rare un équilibre aussi parfait.
J’embrasse à deux bras Vicky en rebondissant chastement sur sa poitrine, fais un petit signe de la main à Daphne, et m’éloigne vers mon quai matutinal. Je suis tellement absorbé par mon roman d’espions et d’aspirateurs en territoire cubain, que je remarque à peine deux autres pratiquantes des nuits pas claires sinon blanches, qui attendent elles-aussi leur citrouille et me sourient d’un air presque insistant à chaque fois que je lève les yeux. Après tout, aucune raison de ne pas sourire par un si joli matin d’été.
Quand l’express Osaka-Kyoto ouvre finalement ses portes, je m’assois machinalement sans quitter mon livre, mais en remarquant tout de même que c’est mon bout de banquette, de toutes celles du wagon presque vide, que les deux sourires ont décidé d’occuper. Leurs visages ont l’âge indéfini de ces japonaises qui pourraient avoir 20 ou 40 ans, trahis uniquement par leur intonation post-adolescente et de fréquents tapotements sur des portables maquillés comme des jouets pour adultes. Celle qui s’est assise à côté de moi porte ce petit bandeau garçonne façon Année Folles qui a envahi le Japon depuis quelques mois. Sur la longue chevelure brune des japonaises, la note résultante penche plus vers Pocahontas que vers Kiki de Montparnasse, mais le pays a certainement vu pire mode vestimentaire par le passé.
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1 décembre 2009
Tous les jours, je me rends au laboratoire en bicyclette.
Le matin, j’emprunte une petite route en promontoire qui serpente le long du fleuve : entre les reflets argentés des galets, les maisons en bois alignées sur la rive en face et les montagnes tout autour, on se croirait dans une vallée des Alpes. À part les automobilistes, qui se sentent peu concernés par la nonchalance helvétique, et ne partagent qu’à contre cœur l’étroite route à double sens avec les amateurs d’air champêtre en deux-roues.
Le soir, je coupe par les terres et navigue les chemins de rizière à la seule lueur de ma dynamo. À choisir mes risques, plutôt finir dans cinquante centimètres d’eau boueuse, qu’aplati entre deux semi-remorques.
J’aime bien ma routine du soir, où la nécessité de tenir un guidon plutôt qu’un livre ou un bloc-note, me force à passer vingt minutes en tête-à-tête avec mes pensées. C’est fou, les choses dont on se souvient lorsque l’on n’essaie pas de réfléchir à quelque chose. Un ami qui avait fait le tour du monde en vélo m’avait confié qu’il occupait les étapes les plus monotones de son périple en se récitant des quatrains : les alexandrins se plieraient naturellement au rythme des coups de pédale sur une respiration régulière. Il avait raison.
L’air vespéral a le parfum distinct des soirées d’automne, vivifiant mais pas encore glacial, un air au goût délicieux, comme on dit par ici.
Parfois, en pédalant dans ma campagne crépusculaire, je ne peux m’empêcher de penser aux curés de Bernanos, sans vraiment savoir pourquoi.
Je me demande s’il existe un bovarysme heureux.
17 juillet 2009
La mousson Kyotoïte est l’un des pire climats du Japon. Du temps de la vieille capitale impériale, les notables avaient coutume de prendre leurs quartiers d’été dans les hauteurs avoisinantes afin d’échapper aux chaleurs insupportables de la ville : plusieurs semaines de nuits suffocantes et poisseuses à peine rafraîchies par des averses quotidiennes.
Debout sur le balcon, je cherche ma respiration et je me dis que je préférerais être au milieu d’une de ces forêts de bambou qu’on devine là-bas dans l’obscurité. Dans la vallée, les lumières vacillent sous le poids de leur propre chaleur. Derrière moi, H. suffoque à petits bruits.
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10 juillet 2009
H. sanglote à petits bruits, la tête baissée, pendue à mon bras. J’avance en titubant légèrement, j’essaie de ne pas glisser sur les mousses qui couvrent la plupart des marches. C’est qu’il est plutôt escarpé, le petit cimetière d’Engaku-ji.
Le groupe qui se tient au bout de l’allée semble à peine plus âgé que nous dans l’ensemble. Également réparti entre les sexes et uniformément vêtu du noir monotone des enterrements japonais, ses membres n’affichent aucune émotion, sinon un air morne et taciturne pour les plus jeunes. Quelques regards se tournent brièvement sur notre passage, par réflexe ou par ennui, sans guère s’attarder.
Nous avons à peine franchi la porte qui sépare le cimetière du reste de l’enceinte que nous éclatons tous deux d’un rire à peine étouffé. Je mords à pleine dents le cuir de ma main gantée dans une vaine tentative de retenue. Pressant le pas comme les deux gamins coupables que nous sommes, nous rejoignons rapidement le chemin principal et reprenons notre promenade sous le ciel bleu ensoleillé d’un matin d’hiver.
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18 septembre 2007
– Have you ever heard the Japanese expression kirisute gomen, Mr. Bond?
– Spare me the Lafcadio Hearn, Blofeld.
Ian Fleming, You only Live Twice
J’ai une tendresse particulière pour la toponymie japonaise.
D’abord, parce que c’est en grande partie dans les trains tokyoïtes que j’ai laborieusement réappris à lire il y a quelques années, en m’exerçant au grès de mes trajets sur les noms de quartiers, stations, et autres indications géographiques.
Les différentes compagnies ferroviaires japonaises saupoudrent en effet traditionnellement leurs panneaux de translitérations simplifiées, écrites dans un syllabaire réduit tout aussi inaccessible au touriste occidental moyen mais en revanche parfaitement connu des enfants en bas-âge et du plus analphabète des Japonais. Ces petits cailloux de Rosette, par nécessité ou par ennui, meublèrent bien des heures passées dans les transports urbains et devinrent une présence familière indispensable, au milieu de l’océan de solitude culturelle dans lequel je commençais à l’époque à regretter de m’être plongé.
La seconde cause de mon affection est un peu la suite logique de la première : contrairement à ses homologues des pays occidentaux, la toponymie japonaise est pratiquement immuable.
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24 juin 2007
Alors : la bonne (?) nouvelle, c’est que je suis arrivé à ma destination finale et ai, de ce fait, regagné plein accès aux merveilleuses technologies de l’interweb. La mauvaise, c’est qu’étant extrêmement radin parcimonieux de nature, j’en ai profité pour remballer l’autre billet auto-posté dont l’apparition quasi-magique était prévue pour hier matin. Je sais c’est fourbe, mais je le garde bien au chaud dans mon escarcelle pour des temps de disette, on sait jamais.
En contrepartie, je vais tenter de faire un effort cet été pour vous filer du frais au-jour-le-jour, profitant du cadre de vie exotiquement orientalisant qui sera le mien pour les quelques mois à venir. Du quotidien, comme par exemple les étranges événements qui ont précédé à ma présente rentrée casanière matutinale : sobre comme un champ de blé mormon malgré les forts relents de savane matinés d’arôme de tabac froid sauvage émanant de ma chemise et possesseur bien malgré moi d’une petite culotte en dentelle rose bonbon, enfouie – je crois – dans la poche gauche de mon pantalon. Je vous jure, il y a une explication quasiment décente à tout cela. On verra si elle mérite d’y consacrer un billet. Probablement pas.
Pour commencer, quelques notes de voyage des dix derniers jours devraient arriver prochainement. En tout cas dés que j’ai trouvé une sortie USB sur mon satané Moleskine.
Sur ce, bonne nuit tout le monde.
23 août 2006
Les seins de Zoé, donc.
Les seins de Zoé n’étaient pas particulièrement immenses. Ils auraient certes inspiré un certain respect à la plus opulente des Japonaises, mais rien qui n’atteigne les sommets siliconiques d’une Skye ou de la plupart des effeuilleuses professionnelles du quartier. C’était plutôt une certaine rondeur, une rondeur douce et lourde dont le contour entr’aperçu à travers un pull en laine un peu serré vous donnait instantanément des nostalgies de nourrisson, la pureté des pensées en moins.
La colocataire de Zoé fêtait son anniversaire le week-end suivant et avait décidé d’acquérir pour l’occasion quelque friandise chimique qu’elle n’avait guère eu l’occasion de consommer depuis son arrivée à Tokyo. Zoé, aussi gentille que serviable, avait offert de s’enquérir d’un fournisseur idoine, comptant sur la haute concentration en activités interlopes diverses et pas si variées dans un rayon de 100 mètres autour du bar.
Bénéficiant de la proximité immédiate d’un stock quasi-illimité de drogue buvables, légales et gratuites, ni elle ni moi n’avions jugé jusqu’alors nécessaire de nous acquitter des taux usuraires pratiqués pour les drogues non-légales et n’avions donc pas de contact attitré en la matière. Il fallut rapidement éplucher le rollodex du bar pour trouver notre homme. Un jeune entrepreneur brésilien dynamique et plutôt sympathique qui avait l’air d’apprécier mes tentatives de diversification cocktaileuse, puisqu’il venait fréquemment goûter mes mojitos en tout début de soirée avant de vaquer à ses occupations commerciales dans le quartier.
Un coup de téléphone et quelques minutes plus tard, Raùl venait s’asseoir au comptoir encore quasi-vide du Tropicana où Zoé lui tendit une caipirinha en lui expliquant la nature de son mal de tête et le nombre d’aspirines dont elle avait besoin.
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15 août 2006
Ce soir-là, ou plutôt ce matin-là, on jouait pour l’addition : les deux scores les plus bas s’acquitteraient de l’intégralité des consommations du groupe. Un honneur qui n’était pas loin de m’échoir puisque Masa accaparant la dernière place, je jouais l’avant-dernière au coude à coude avec Skye qui avait pourtant raflé la plupart des questions à caractère sexuel impliquant un nombre impair de partenaires. Les autres nous avaient tous mystérieusement devancés dans les manches récentes, glanant leurs points dans des domaines aussi variés que la consommation de Label Bleu (une bouteille en un soir : Pauline), la fréquentation des ashrams indiens (17 mois : Stacy) ou le nombre de reptiles apprivoisés dans un deux-pièces (un python et deux couleuvres : Sachiko).
Quant à Brendan, tout le monde se souvenait maintenant pourquoi c’était une mauvaise idée de jouer à « Qui a déjà? » avec lui : non seulement Brendan a déjà partagé une pipe d’opium avec le pape au milieu de la basilique St Pierre entourés d’une douzaine de prostituées hongroises à peine majeures et de trois tigres albinos, mais en plus il a gardé les photos.
D’ailleurs c’était à son tour de parler. Ce qu’il fit sans la moindre hésitation, mais non sans prendre le temps de vider préalablement son verre d’une traite :
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25 juillet 2006
La dernière fois, j’évoquais les conditions dans lesquelles j’avais assisté à un grand tournoi de lattage de gueule thaïlandais, d’assez près pour recevoir des éclaboussures au coin de l’oeil. J’avais même laissé entendre que quelques détails croustillants, avec bris d’os et de dents filmés en gros plan, pourraient constituer la matière première du présent billet. Il n’en est rien bien sûr, et ce vil stratagème n’avait pour autre but que de maintenir artificiellement éveillé l’intérêt ténu des trois lecteurs égarés sur ce blog (avec l’espoir secret qu’ils n’aient pas retrouvé leur chemin entre temps).
En effet, ce n’est pas vraiment du spectacle que j’avais prévu de parler, mais plutôt des spectateurs. Ou pour être exact, des spectatrices. Et même en cela, ne vous attendez pas à quelque fresque sociale vibrante de réalisme, façon National Geographic : le décor et le contexte importent peu en fin de compte, puisqu’il s’agit de parler de moi, comme d’habitude. Moi et mes épiphanies spirituelles à onze heures du soir, au bord d’un ring ensanglanté de la banlieue de Tokyo, mon cinquième verre d’oolong-cha & shochu on the rocks, délicatement posé sur un petit guéridon dans un coin de notre loge. Mais avant d’en arriver là, et pour des motifs tenant autant du délayage grossier que de l’exigence narrative, laissez-moi relater une seconde anecdote qui n’est pas sans rapport avec celle que je vous narrai naguère. Vous verrez, tout s’éclaire à la fin (en ce qui me concerne, en tout cas) :
Quelques mois et quelques milliers de kilomètres après mon séjour à Bangkok, j’étais à Tokyo et invité à un autre grand tournoi d’art martial.
À ce stade du récit, il pourrait être tentant de suggérer que derrière une indifférence affichée, sommeille en moi une passion dévorante et inavouable pour les spectacles de gladiateurs contemporains. Je vous prie de croire qu’il n’en est rien. Cette fréquentation statistiquement improbable des arènes de combat est seulement un exemple flagrant du sens de l’humour un peu pourri pratiqué par les divinités en vigueur. Je suis convaincu qu’à l’heure où je vous parle, il existe quelque part dans le monde, un fan inconditionnel d’arts martiaux qui ne comprend pas pourquoi tout le monde s’entête à lui offrir des tickets d’opéra gratuits et des invitations à partager une loge à la Scala pour la saison.
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4 janvier 2006
Ce soir là, donc…
Nous tournions à effectif réduit: Skye était repartie au bras d’un des clients peu avant minuit, le plongeur philippin avait été congédié pour la soirée et le patron avait depuis longtemps entamé sa tournée des bars à hôtesses du quartier d’où il ne reviendrait, avec un peu de chance, pas avant le soir suivant pour peu qu’un coin de bar ou de trottoir accueillant ne se présente sur le laborieux chemin de son retour matutinal. Ne restaient que Pauline, moi et les restes agonisant de nos cortex cerebellum respectifs, très mal remis des excés de la veille.
Traditionnellement, Pauline s’occupait d’abreuver les ovoïdaux mugissants au tord-boyau du kentucky, tandis que je vérifiais régulièrement le niveau des bouteilles coté V.I.P., où la célébration de quelque succés commercial et l’indispensable présence d’une souriante équipe de jeunes filles en robe de soirée, chignon relevé, avait le bon goût de m’ôter toute responsabilité quant au service ce soir là. Pour le reste: décapsulages de bouteilles d’urine de félin pour les clients mâles, mélanges sucrés à la glace pilée pour le reste, comprimés de magnésium vitaminé effervescent pour le personnel…
Question vidéo, nous étions tombé d’accord pour laisser Entrer le Dragon, choix classique présentant l’avantage de ne pas pâtir outre-mesure du remplacement de sa bande-son originale par la sélection musicale du club. En fait, doublé sur fond de disco-funk, ça donnait une version hongkongaise de la Fièvre du Samedi Soir plutôt convaincante.
Pas assez abrutis par l’alcool pour alimenter les conversations éthyliques de la clientèle, peu enclins à faire un effort pour le devenir ce soir-là, nous occupions notre copieux temps libre, Pauline: à compter le nombre de haussements de sourcil de Bruce à travers le film, moi: à jouer les fonds de bouteilles du bar aux dés avec la rabatteuse du salon de massage chinois d’en face, venue se réchauffer entre deux argumentaires de vente infructueux…
Que s’est il exactement passé à ce moment?
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2 janvier 2006
Et sans plus tarder, la réponse tant attendue à nos récents questionnements rhétoriques existentiels…
C’était la fin de l’automne, le début de la semaine et le début de la fin pour bien d’autres choses. En pleine traversée de ces improbables heures qui séparent le dernier métro de celui du petit matin. À notre bord, l’équipage des soirs de faible fréquentation.
Club NV était d’une taille à peu près idéale: juste assez petit pour ne pas bénéficier d’un surcroît d’attention indésirable, mais suffisamment grand pour échapper à la traditionnelle guirlande de cirrhoses de comptoir, typique des plus petits établissements. Quel que soit le soir, il n’y avait guère de ces habitués cuvant leur mélancolie éthylique au bar… Quelques groupes caractéristiques se détachaient cependant de la foule des noctambules anonymes:
Un important contingent de joueurs de rugby néo-zélandais, d’une part, occupait souvent un volume métrique non négligeable à l’intérieur du club. Les mêmes origines méridio-hémisphèriques des deux barmaids, la propension de l’une en particulier à mettre en valeur les atouts que lui avait dispensés Mère Nature (avec un peu d’assistance de Tonton Bistouri), ayant entraîné une préférences patriotico-hormonales pour l’endroit et sa subséquentes utilisation comme succursale de vestiaire lors de leurs fréquents passages dans la capitale.
A l’autre extrémité du club et de l’échelle socio-professionelle se tenaient les mystérieux rendez-vous d’affaires de quelques japonais en costume trois pièces, discrets au point d’en faire presque oublier leur occupation quasi-permanente du carré V.I.P. à des fins professionelles. Des sortes de comités d’entreprise un peu particuliers présidés par un vénérable quinquagénaire que nous appellerons Matsumoto: non pas pour quelque vague ressemblance avec la peu-crédible création cinématographique éponyme, mais parce que l’impérieux besoin de respecter ici un certain degré de discrétion n’a d’égal que mon incapacité générale à trouver des pseudonymes convaincants aux protagonistes de mes récits. On notera donc que, contrairement à son homonyme né des effluves enfiévrés d’une poignée de neurones occidentaux surchauffés plongés dans un bain d’hormones pré-pubères, ce Boss Matsumoto-là n’était ni tortionnaire sadique, ni pédophile, ni même entouré d’une armée de tueurs fanatiques portant improbables loup vénitien et katana… Bon, il était quand même ce qu’il serait tenu d’appeler un Yakuza. Mais nul n’est parfait après tout.
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