Où il n'est bien sûr nullement question, ni d'automne, ni de Tokyo…

18 décembre 2007

Obscénités

Posté dans : J'exècre, l'Actualité, par Dave A. à 2:05

Father McKenzie wiping the dirt from his hands as he walks from the grave
No one was saved.
Eleanor Rigby

Les enterrements sont des cérémonies paradoxales, en cela que l’on s’acharne à les rendre mémorables, mais tout le monde voudrait pouvoir les oublier aussitôt.

Vous avez déjà vu un photographe officiel à un enterrement, vous?

On se resserre un peu autour du cercueil, s’il vous plaît, je n’arrive pas à faire tenir tout le monde dans le champ… Maintenant le défunt avec seulement les enfants… Bon, après ça : quelques photos en extérieur, avec le soleil couchant dans les ormes du cimetière?

Il y a essentiellement deux types d’enterrements : ceux où l’on se rend pour le mort et ceux où l’on accompagne les vivants. Ceux dont en fin de compte, on garde peu de souvenirs, trop occupé à surnager dans sa peine pour faire attention au reste… Et ceux dont chaque minute austère et inconfortable s’imprime à l’encre de la douleur ambiante.

C’est dans ces cas là que les détails les plus idiots prennent de ridicules proportions. De minuscules angoisses sociales qui se transforment en interminables débats intérieurs : des questionnement sur la couleur de sa cravate, le nombre de boutons de sa veste ou la tournure exacte du cliché condoléancieux qu’il sera de bon ton de prononcer, sans chercher l’originalité ou la sincérité. Et puis à coté, pendant que je m’interroge sur mon choix de boutons de manchette, il y a un mort et des gens qui pleurent.

Bien sûr, je la ressens aussi, cette tristesse qui m’entoure. Un peu par empathie, un peu par un égoïste réflexe d’identification. En fait, je me souviens surtout des dernières fois où c’était moi, celui pour qui rien n’avait d’importance, celui qui serait venu en jeans et baskets, sachant bien que les morts s’en foutent, autant que je me foutais des vivants en ces occasions.

Ce jour là, c’était pour les vivants que j’étais venu. Debout, les yeux baissés dans la contemplation de ma paire de gants.

Et puis tu as pris la parole.

Immédiatement, je ne t’ai pas aimé.

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18 septembre 2007

Toponymie des villes et des cœurs

Posté dans : l'Actualité, le Japon, par Dave A. à 6:11

– Have you ever heard the Japanese expression kirisute gomen, Mr. Bond?
– Spare me the Lafcadio Hearn, Blofeld.
Ian Fleming, You only Live Twice

J’ai une tendresse particulière pour la toponymie japonaise.

D’abord, parce que c’est en grande partie dans les trains tokyoïtes que j’ai laborieusement réappris à lire il y a quelques années, en m’exerçant au grès de mes trajets sur les noms de quartiers, stations, et autres indications géographiques.

Les différentes compagnies ferroviaires japonaises saupoudrent en effet traditionnellement leurs panneaux de translitérations simplifiées, écrites dans un syllabaire réduit tout aussi inaccessible au touriste occidental moyen mais en revanche parfaitement connu des enfants en bas-âge et du plus analphabète des Japonais. Ces petits cailloux de Rosette, par nécessité ou par ennui, meublèrent bien des heures passées dans les transports urbains et devinrent une présence familière indispensable, au milieu de l’océan de solitude culturelle dans lequel je commençais à l’époque à regretter de m’être plongé.

La seconde cause de mon affection est un peu la suite logique de la première : contrairement à ses homologues des pays occidentaux, la toponymie japonaise est pratiquement immuable.

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3 août 2007

À défaut d’endurcir l’intérieur…

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 12:42

[À en croire le vendeur de ma papeterie locale, l’absence de sortie USB sur mon Moleskine serait tout à fait normale et il n’existerait pas de méthode pour en transférer le contenu sur ce blog, autre que par insertion manuelle et lettre-à-lettre des phrases à peine lisibles griffonnées durant mon précédent séjour loin des cieux informatisés qui sont usuellement miens. On peut dire que je me suis bien fait avoir.]

Comme d’habitude, le choc de l’arrivée est rude. Je sais pas si c’est la moiteur de l’air qui flotte mollement au dessus du tarmac, ou la douzaine de mini-bouteilles de piquette violacée gracieusement offertes par l’hôtesse durant le vol, mais j’ai les tempes un peu bruyantes. Quelques minutes pour trouver mon chemin dans les halls flambant neufs de Suvarnabhumi. Le temps de cornaquer mon troupeau de valises jusqu’à la consigne, d’en extraire mon minuscule sac de survie et c’est avec la respiration un peu moins courte que je me dirige vers la sortie, où m’attend Ian, facilement reconnaissable au milieu des locaux à sa stature de gentil bûcheron canadien.

Ian a depuis longtemps assimilé les deux principes fondamentaux du code de la route thaïlandais: résignation bouddhiste face à une mort potentiellement imminente d’une part, conformation à l’écosystème établi d’autre part. En l’occurrence, sa cylindrée japonaise impose le respect (et la priorité) aux insignifiants tuk-tuk, mais se doit de le céder sans discussion aux conducteurs de mini-bus qui ne croient eux, ni en Dieu, ni aux feux rouges.

En traversant la véranda avec mon petit baluchon couvert de poussière, j’avise deux jeux d’échecs au milieu des tabourets en acajou. Ian attrape mon regard et me promet que nous aurons l’occasion de nous adonner à quelques interminables parties un soir prochain. Il conclue son hochement de tête par un sourire un peu mauvais dont je ne déchiffre pas bien le sens sur le moment.

Ajarn Sao, le professeur, n’a guère changé : sa stature de vieillard malingre contraste toujours autant avec ses mouvements souples et assurés et il lance ses petits éclats de rire caractéristiques à tout bout de champs dans la conversation qui se tient en bribes de japonais et d’anglais, autour des thés glacés au lait de coco qu’il nous a servi. Il se souvient parfaitement de ma dernière visite et semble authentiquement ravi que j’ai fini par accepter cette invitation, somme toute lancée à la légère et plus comme une politesse qu’une véritable attente. Je vérifie que Ian l’a bien entretenu des ambitions fort limitées de mon séjour et le remercie profusément de tolérer ma présence temporaire pour d’aussi insignifiants motifs. Il m’assure que cela ne perturbera en rien le déroulement habituel de ses leçons mais qu’il me faudra me plier aux règles de l’endroit. Je lui réponds que cela sera un plaisir. Il arbore alors le même petit sourire que Ian quelques instants plus tôt, moins narquois, tout aussi mystérieux.

Ian m’a bien donné tout mon équipement la veille: de quoi couvrir mes tibias, mes avant-bras ainsi que toute autre partie de mon anatomie impliquée d’une manière ou d’une autre dans des activités respiratoires, intellectuelles ou procréatrices. Mais Ajarn Sao m’indique que je peux m’en débarrasser pour le moment : mon seul adversaire durant les deux premières journées de mise-en-condition se tient sur un seul pied, fixé du sol au plafond, et ne renvoie pas les coups. En revanche, lui non plus ne porte pas de protection, et ça c’est fort regrettable comme je suis sur le point de le découvrir.

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24 juin 2007

Reprise et lancement de l’édition d’été

Posté dans : Carnet de Bal, l'Actualité, le Japon, par Dave A. à 1:25

Alors : la bonne (?) nouvelle, c’est que je suis arrivé à ma destination finale et ai, de ce fait, regagné plein accès aux merveilleuses technologies de l’interweb. La mauvaise, c’est qu’étant extrêmement radin parcimonieux de nature, j’en ai profité pour remballer l’autre billet auto-posté dont l’apparition quasi-magique était prévue pour hier matin. Je sais c’est fourbe, mais je le garde bien au chaud dans mon escarcelle pour des temps de disette, on sait jamais.

En contrepartie, je vais tenter de faire un effort cet été pour vous filer du frais au-jour-le-jour, profitant du cadre de vie exotiquement orientalisant qui sera le mien pour les quelques mois à venir. Du quotidien, comme par exemple les étranges événements qui ont précédé à ma présente rentrée casanière matutinale : sobre comme un champ de blé mormon malgré les forts relents de savane matinés d’arôme de tabac froid sauvage émanant de ma chemise et possesseur bien malgré moi d’une petite culotte en dentelle rose bonbon, enfouie – je crois – dans la poche gauche de mon pantalon. Je vous jure, il y a une explication quasiment décente à tout cela. On verra si elle mérite d’y consacrer un billet. Probablement pas.

Pour commencer, quelques notes de voyage des dix derniers jours devraient arriver prochainement. En tout cas dés que j’ai trouvé une sortie USB sur mon satané Moleskine.

Sur ce, bonne nuit tout le monde.

18 juin 2007

Auto-Posté : Notre-Dame des Alpages Sauvages

Posté dans : le Reste, par Dave A. à 3:03

Le Réveil

Trois claquements de main.

Pesants, lents, prégnants.

Blanche. Demi-pause. Blanche. Demi-pause. Blanche.

Trois coups du brigadier, puis, quelques secondes plus tard, en guise de lever de rideau : la lumière crue qui inonde le dortoir.

Stimulus-réponse pour rats de dortoir pavloviens. Tous les matins sans exception. Aujourd’hui encore, il me suffit d’entendre, ou de croire entendre, ces trois claquements de main pour me redresser d’un bond dans mon lit en cherchant des yeux ma trousse de toilette et ma serviette.

Celle qui claque des mains, c’est Mme Whitman. Un traitement de faveur réservé aux « petits ». L’année prochaine, chez les grands, c’est au mieux un aboiement peu amène du pion qui précédera l’allumage général au dessus des lits. C’est elle aussi dont les talons résonnant lourdement sur le parquet annoncent aux plus somnolents qu’un appel de leur nom est imminent, suivi d’une invitation sèche à s’extraire séance tenante du confort de la couverture où ils se sont réfugiés dans le vain espoir d’y prolonger leur nuit de quelques minutes. C’est elle qui contrôle que la routine matinale se déroule sans accroc, que pas une étape n’est grillée par quiconque, pas un coin de lit non bordé, une dent non brossée, un cheveu non coiffé, un ongle non récuré, une chemise non rentrée… En temps limité bien sûr, puisqu’à sept heures sans faute, c’est le signal du départ vers le réfectoire, en file et au pas cadencé.

Comme la plupart, j’ai vite évalué les deux scénarios possibles pour la routine du matin.

D’un coté, les plus rapides sont au pied de leur lit avant même le troisième coup, leurs vêtements, préparés avec minutie la veille, sont enfilés et noués en un quart de seconde, premiers au lavabo, premiers sortis, premiers en ligne pour descendre au réfectoire, premiers servis, premiers sortis, heureux possesseurs d’une demi-heure de quiétude non-supervisée arrachée aux rigueurs de l’emploi du temps.

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6 juin 2007

Errances

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 10:06

Rien de nouveau à offrir, sinon ce texte qui traîne dans mes brouillons depuis mon retour. Je n’avais pas vraiment l’intention de publier ça, mais après tout à quoi bon écrire, si ce n’est pour être lu.

À peine rentré, j’ai posé mon sac et suis resorti sans même enlever ma veste. J’avais besoin d’un verre. Le Balto avait fermé pour le week-end, heureusement Zach était ouvert et tenait lui même le bar. En bas, ça semblait de bonne humeur et ça jouait une espèce de ska jazzy façon titi parisien, en haut, c’était plutôt calme, voire morne : juste Zach derrière le bar, Kat sur le bar, à moitié endormie, et Django qui berçait l’ensemble avec quelques accords de guitare mélancolique. Je me suis posé, j’ai commandé un Jack Da’, me suis ravisé pour un Chivas, en me disant que le prix du verre contribuerait à m’éviter la tentation de me mettre minable. Tentation trop souvent suivie de celle de faire des appels que l’on regrette forcément le matin suivant.

On a un peu causé du temps, de la vie, des magasins punks de Soho et comparé le prix du tikka massala entre métropoles. Zach a bien vu que j’étais pas trop dans le bonheur rayonnant, mais est prudemment resté hors du sujet. A peine six jours plus tôt, assis au même endroit avec elle. Il est des histoires qui sont suffisamment universelles pour pouvoir se permettre quelques ellipses.

La conversation progressait par bribes laconiques, minimaliste sans être totalement laborieuse. Personne ne semblait d’humeur à secouer la torpeur sonore et tout le monde s’en satisfaisait comme ça.

A moitié appuyé au bar, j’ai regardé mon fond de verre, trouvé que la scène ressemblait beaucoup trop à un mauvais cliché cinématographique des années 30 et je suis sorti un peu précipitamment en saluant Zach et Kat.

Dehors, c’était une nuit tiède de mois de mai globalement réchauffé. Un temps à aller regarder la Seine, donc. Avec un peu de chance : quelque candidat à la mort par ingestion de vase toxique pour rappeler qu’il y a toujours plus désespéré que soi…

En glissant machinalement la main dans une poche, j’en ai sorti une cigarette inattendue, un truc conique qui avait traversé la Manche et les derniers jours, enveloppé dans quelques couches de mélancolie cotonneuse. Je l’ai allumé en passant sous l’arche de l’Institut.

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2 mai 2007

La malédiction de l’amnésique insouciant

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 12:01

Il y a une première fois pour tout.

Il y a une première fois pour passer une après-midi allongé sur les pelouses parfaites de Hampstead Heath, entre deux saules et un irréel ciel bleu ensoleillé d’avril, à caresser une tête posée sur sa poitrine. Faire des digressions ornithologiques stupides, s’oublier complètement, arrêter mollement les mains baladeuses sous l’oeil perçant des vieilles rombières assises au loin sous la véranda. En se disant que c’est ce moment qu’on a attendu toute sa vie, qu’il serait bon de geler la marche du temps à cet instant précis et ne plus en parler.

Il y a une première fois pour écrire une lettre longue et irréversible et l’envoyer en espérant de tout son cœur qu’elle se perdra en route. Une lettre qui s’attache à rester sans réponse, qui surveille qu’elle n’est pas suivie, qui brûle tous les ponts possibles derrière elle. Une lettre dans laquelle on a emballé quelques tranches de chair fraîchement arrachées de là où ça fait mal. L’ablation prémptive de tous les organes non-vitaux. Douloureuse mais salutaire. Mettre les fins avant les débuts, c’est encore la meilleur manière d’éviter les travers littéraires.

Il y a une première fois pour ressentir un vide oppressant là où rayonnait la boule de bonheur angoissé quelques instants auparavant. Se dire qu’on est passé juste à coté de la catastrophe. Tenter de se convaincre qu’il s’agit juste de calcul et de discipline. La discipline du choix qui fait mal et qui rend plus insensible à défaut de rendre plus fort. Vous croyez que Napoléon, Pol Pot ou Gengis Khan auraient changé la face du monde s’ils avaient baisé heureux tous les jours?

Évidemment, toutes ces premières fois n’en sont guère. Elles se répètent aussi rapidement qu’elles sont oubliées. C’est à dire déjà beaucoup trop souvent.

26 janvier 2007

La Dernière minute (pt. 2)

Posté dans : la Californie, par Dave A. à 4:19

Bon. Y’en a marre. Marre d’empiler les brouillons inachevés pour cause de virgule ankylosée à mi-phrase. Marre de passer des heures à me relire pour vérifier que mon orthographe est bien en conformité avec les dernières dispositions du 342è Concile du Collectif des Violeurs de Drosophiles en Réunion du Quai Conti. Marre de ressasser les paragraphes dans ma tête jusqu’à que j’en sois trop écoeuré pour écrire la moindre ligne. Marre de faire des efforts.

Merde à la fin, c’est qu’un carnet. On est pas là pour faire de la littérature. On est là parce que le Dr. Angstundsorgenstein a dit qu’au prix horaire de la consultation, soit un emprunt sur 20 ans, soit je trouvais un endroit moins cher pour ma thérapie de groupe.

Donc.

C’était par une sombre nuit d’orage, le vent glacial soufflait dans les aulnes avec un hurlement lugubre, la pluie fouettait le pavé et les grilles du manoir luttaient pour se libérer en d’inhumains grincements…

Non, pas vraiment en fait.

Ce matin là, sur Howard et Sixième, il faisait un temps radieux de fin de printemps san-franciscain, les petits oiseaux chantaient pas, mais le voisin avait déjà mis à plein volume son disque favori de polka mexicaine, le soleil s’était levé sans m’attendre, et à part une légère douleur hypertrophique résiduelle à l’entrejambe, j’étais en pleine forme. La veille, j’avais donné, vendu, recyclé, brûlé, ingéré, prisé ou mis en orbite la quasi-totalité de mes possessions terrestres. J’étais plus léger de plusieurs mètres cubes et presque prêt à m’envoler vers un autre continent. Mais pas vraiment pressé non plus. Avec ou sans mobilier scandinave et lit triple-matelassé, j’aimais bien ma routine indolente de l’époque.

Vingt minutes avec un large sac de glace pilée délicatement posé sur le bas-ventre, et j’étais prêt à démarrer ma journée. Brunch en patio, café et divers mélanges alcoolisés à base de jus d’orange (apport vitaminique oblige) au hasard des amis croisés dans Noe Valley, tournée bucolique des magasins de musique sur Upper Haight, deux heures payées à gloser grammaire et littérature étrangère avec des mères de famille en mal d’occupation, thé et goûter sur O’Farell, allo-t’es-où-?-un-spliff-dans-Dolores-park-ça-te-dit-?, apéro dans le Castro, essentiel quart-d’heure d’élaboration en groupe de l’agenda nocturne, cut, fondu scène intérieur d’un petit club du voisinage où je venais de finir de gagner quelques dollars et beaucoup d’alcool gratuit en passant quelques disques…

Deirdre me fit signe de la suivre vers les toilettes. Ou alors c’est moi qui lui avait fait signe, je sais plus. Peut-être même que c’est Tracy qui nous a tendu deux pailles et dit d’aller voir, troisième étagère sur la gauche, sous la statuette en bronze. Bref, des trucs peu recommandables. Non, pas ce genre de truc peu recommandable, l’autre genre de truc peu recommandable. Toujours est-il qu’on a à peine eu le temps de claquer la porte derrière nous. Et s’il y avait des trucs sous la statuette en bronze de la petite étagère, ils doivent toujours y être.

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18 janvier 2007

La Culture m’excite au plus haut point…

Posté dans : J'adore, l'Actualité, par Dave A. à 4:20

Ces temps-ci, par les bons soins de mon ange-gardien, je traîne beaucoup dans les cocktail-party culturo-ministérielles. C’est la nouvelle année : tout le monde, de Monsieur le Ministre lui-même jusqu’au plus obscur sous-secrétaire détaché à la Culture de la Betterave en Basse-Creuse, y va de sa cérémonie de voeux, occasion à moult allocutions verbeuses auto-fellatrices, mais toujours assortie de promesses d’une conclusion foie-gras-champagne, histoire d’assurer le quota de main clappantes tout au long durant. Dans la pratique, c’est un peu la charmante continuation des bonnes veilles traditions de cours bourbonesques, les perruques poudrées en moins.

Ma sensation aiguë de n’avoir aucune raison légitime de mettre les pieds dans ces raouts muséophiles en est donc atténuée par la réalisation que la vaste majorité des autres convives présents n’en ont guère plus.

Pour ceux qui envisageraient de se lancer dans une carrière de parasite de la République à plein temps : ne tenez aucun compte, dans le choix de vos fonctions sociales, du renom de la tête d’affiche qui est très rarement gage de qualité coté buffet. Privilégiez en revanche les piètres orateurs à discours long et ennuyeux. D’expérience, plus le discours est chiant, plus la marque du mousseux tire vers le haut (c’est à ça que ça sert, un conseiller en com’).

Toutes ces invitations viennent par ailleurs accompagnées d’entrée privilégiée aux collections artistiques attenantes. Visites d’autant plus tranquilles qu’elles intéressent nettement moins les récipiendaires des-dits cartons que les plateaux de petits-fours Picard réchauffés.

L’autre jour, donc, durant l’une de ces traditionnelles lectures de pages-jaunes de la nouvelle année, quelque part entre les remerciements à Monsieur-le-Conservateur-du-Musée-du-Liège-et-du-Bouchon-d’Anvers-sur-Loire et le couplet nécessaire sur la grande amitié franco-abou-dhabinoise (Abou Dhabi, son histoire immémoriale, la richesse culturelle de ses sous-sols…), je somnolais, songeant que pouvoir mater sereinement du masque africain tout l’après-midi, loin du hoi polloi des jours ouvrables valait bien le sacrifice de quelques neurones innocents à l’autel du pompier inconnu mort pour le style. En murmurant aussi à ma gente compagnie qu’ils avaient intérêt a servir au moins du Piper-Heidsick millésimé dans le carré VIP pour rattrapper ça.

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24 décembre 2006

Post coitum, anima tristis

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 1:19

« Post coitum, omne animal triste » aurait parait-il écrit St Augustin, qui passa beaucoup de temps à observer ses cochons d’Inde niquer en cage.

Adage exact s’il en fut, j’en témoigne. La détresse post-coïtale touche tous les animaux, même le plus bipède des mammifères…

N’allez pas tirer de conclusions hâtives : il ne s’agit en rien d’une entorse aux strictes règles de la vie monacale qui est la mienne ces temps-ci (sobriété, chasteté, humilité, domination mondiale d’ici la fin de la décennie…), le coït en question fût purement intellectuel. Et je ne suis même pas tout à fait sûr qu’il s’agissait d’un rapport consentant. Entre la Science et moi, je sais pas qui se débattait le plus, mais de notre interminable séance d’accouplement des deux derniers mois, il ne me reste que de très vagues résurgences : je me souviens m’être couché un soir de novembre en me disant que décidément, il allait falloir s’y mettre pour de bon… Puis, plus rien, le vide total, pour me réveiller avant-hier, nu sur le sol de mon appartement, recroquevillé en position foetale, le corps couvert d’inscriptions bizarres tatouées au bic quatre-couleurs.

Dans le brouillard amnésique de cette période, il y eut bien quelques lueurs de réminiscence, balises du souvenir de jours meilleurs passés ou à venir… Je me souviens avoir pensé une fois ou deux à ce blog, à ses trois lecteurs chers à mon coeur, à la faim dans le monde, à la guerre et à l’injustice, à la manière incroyablement érotique de ma consoeur de science de retrousser ses lunettes en me demandant ce que je pensais de cet inversion du nabla à mi-chemin sur la courbe de ses lèvres délicatement relevées en une moue interrogative et indéniablement provocatrice classification non-linéaire par approche du gradient fraîchement apparue sur l’écran de résultats. Pas spécialement dans cet ordre, mes pensées…

Et puis comme à chaque fois, je suis finalement arrivé à destination quasi-intact, preuve que l’on peut très bien survivre quelques mois sur trois heures de sommeil quotidiennes et 5 grammes de caféine dans le sang, avec seulement de très légères séquelles psycho-motrices à déplorer. Le problème, c’est que maintenant que je peux, je ne veux. Bien qu’ayant enfin mis un terme à mon récent débordement d’activité, je ne suis plus d’humeur à reprendre toutes ces occupations non-vitales interrompues à contre-coeur pendant les derniers mois.

C’est rien, j’ai juste l’âme temporairement un peu vide. Ça devrait passer.

La mauvaise nouvelle (ou la bonne, suivant que vous vous forcez à la lecture de ces billets par pur instinct masochiste), c’est qu’il va falloir attendre encore un peu pour des billets frais sur ce carnet. La bonne (resp. mauvaise) nouvelle, c’est que j’ai malgré tout quelques brouillons en réserve, des trucs écrit entre deux comas post-épileptiques, que j’avais encore moins envie de publier avant que maintenant : du réchauffé désynchronisé, mais qui fera bien l’affaire aprés quelques relectures rapides…

Message à caractère personnelle : dans tout ça, j’ai un peu l’impression de n’avoir pas été le seul à négliger son lectorat récemment (pas de noms, mais je n’en pense pas moins). Alors on sort tous sa plume de là où on l’avait distraitement laissé (je veux pas savoir comment elle est arrivée là) et on s’y remet, que diable. J’attends.

15 novembre 2006

Septembre en Trois week-ends (pt. 3)

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 9:20

Les mariages, c’est surtout un bon prétexte pour retrouver, suivant les cas : les cousines que l’on n’a pas croisé depuis l’âge où on leur tirait les couettes en vacances à la montagne, ou bien les amis plus récents éparpillés au gré des continents et des arrondissements. C’est aussi l’occasion de mesurer les ravages de l’amour et du temps sur la convergence paritaire des uns et des autres.

Ce week-end là, certains se disaient oui, d’autres s’entraînaient à dire oui et quelques uns s’entraînaient à dire non… Pour ne rien dire des couples tendance damnation éternelle et interdiction de mairie qui s’entraînaient au reste. Assurément on était loin des contes de fée d’antan malgré la proximité de Brocéliande. Papa Ours et Papa Ours, si mignons dans leur costumes assortis, Boucle d’Or plus intéressée par Blanche Neige, et Sept Nains un peu perdus loin de leur Marais natal… Quant au chevalier de l’Hétérault : il n’essaie même pas de faire croire que son port de la moustache pornoprussienne et des lunettes assorties puisse relever de l’ironie… Dans un monde où les frontières sexuelles semblent toujours plus élusives, il est des valeurs qu’il importe de préserver, fussent-elles celles du cinéma allemand pour adultes des années 70. Loïc, lui, préfère courir après des marathoniennes… Ça entretient la forme, sinon le moral, paraît-il.

Et Elle dans tout ça ?

Que reste-t-il de nos amours ?

Compte-tenu de l’âge, date et cause du décès, je dirais : peut-être quelques bouts de cubitus et un bon mètre-cube de terreau fertile. Pour le reste, il faudrait demander à un légiste, je suis pas spécialiste de ces choses là.

Enfin, l’essentiel, c’était de pouvoir passer 36 heures sur le même continent et se séparer sur un sourire et une promesse de se revoir à l’occasion, aussi amicale que dénuée de la moindre intention de s’y tenir. Je ne sais pas ce qu’elle me doit, mais je dois bien lui devoir au moins ça.

1 novembre 2006

Septembre en Trois week-ends (pt. 2)

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 4:29

Un des plaisirs pas si simples de la vie, que j’apprécie beaucoup plus que je ne le devrais, c’est de traverser une frontière les mains dans les poches. Voyager sans bagage, comme si j’étais juste sorti pour aller acheter du pain. Je ne le fais pas si souvent et à vrai dire, c’est plutôt l’inverse d’habitude : j’embarque ma maison dans deux valises partout où je vais. Je crois que l’avant-dernière fois remonte au nouvel an du siècle dernier, et c’était à Viennes. Mais ça, c’est pour un autre jour.

Le mois dernier, donc, je foulais le sol de Waterloo d’un pas somme toute assez peu prussien malgré l’heure matinale, un bouquin à la main, de la musique dans les oreilles et une cravate roulée dans la poche. Et comme j’étais d’une humeur incroyablement dispendieuse ce jour-là, c’est assis sur une banquette, discutant politique du continent indien avec mon chauffeur Sikh tout en achevant de nouer mon déguisement, que j’achevais mon trajet.

Je la connais à peine mieux, mon autre grand-mère, mais contrairement à ses homologues secoués du bénitier, elle a toujours favorisé le sourire de connivence à l’autorité sèche, dont je la soupçonne pourtant fort capable. D’abord, parce qu’elle sais trop bien d’où je peux tenir ce chromosome de l’obstination butée, façon chèvre à quatre cornes. Ensuite, parce qu’elle m’aime bien. Ici aussi je suis l’aîné des aînés, ici aussi ça compte, mais différemment.

Moi aussi je l’aime bien.

J’aime bien le parchemin mat de son visage et ses deux petits yeux verts pétillants comme une gamine qui n’aurait pas le dixième de son âge. J’aime bien le demi-sourire énigmatique rapporté de son Égypte natale dont elle ponctue presque toutes ses phrases. J’aime l’élégance de son accent : fût-une époque, j’aurais bien donné une ou deux phalanges pour pouvoir le troquer contre l’étrange diction cosmopolite que j’avais ramené des îles en même temps que mon enfance… Encore maintenant, je suppose… Évidemment, il est bien trop tard pour y remédier, et je me contente de camoufler du mieux possible les relents de nouveau continent qui ont tendance à surgir dans mes prononciations, tant je sais que sa pourtante modeste fibre patriotique en souffre.

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5 octobre 2006

Septembre en Trois week-ends (pt. 1)

Posté dans : l'Actualité, par Dave A. à 1:14

Petit intermède.
J’avais prévu de reprendre là où j’ai laissé l’autre jour (promis ma Brisquette : on y reviendra)… Mais j’ai pas eu une minute à y mettre cette semaine : avant-hier, c’est Kheir, invoquant Allah sans arrêter un instant de reluquer le cul pas très hallal du serveur, qui nous a inopinément laissé avec deux bouteilles de vin de Sicile à finir à deux. Hier, tardivement libéré de mes obligations, je finissais ma soirée dans un café du onzième à attendre en vain une élusive à qui j’avais promis un lait-fraise (bon, ok, je faisais pas qu’attendre et de moins élusives étaient présentes).
Bref, il faudra pour l’instant se contenter de mes notes du mois dernier, décousues à la main, recousues à la machine en attendant mieux.

Premier week-end. Mes Grand-Parents.

C’est leur tour annuel de la plantation : profitant de l’hiver austral, ils parcourent la création à coup de 747 et luttent à leur manière contre la pernicieuse hérésie copernicienne, en s’assurant que le soleil n’a pas tout à fait pris le pas sur leur ego, comme centre de rotation terrestre.

Le premier souvenir que je garde de ma grand-mère est une posture. Sa posture. Debout, légèrement penchée en avant, dans une ferveur à peine forcée. Elle prend un soin, que je sais maintenant calculé, de ne pas laisser un instant son regard glisser vers le gamin qui pleure abondamment à ses côtés. D’ailleurs, il ne sait même plus trop pourquoi il pleure, ce gamin : est-ce à cause du sommet invisible de la nef qui lui donne le vertige, ou parce qu’il ne comprend rien à la langue bizarre dans laquelle s’exprime l’homme que tous écoutent, ou encore à cause de la gifle qu’il vient de recevoir en guise d’invitation à baigner plus silencieusement dans Son amour et Sa miséricorde éternelle. En tous les cas, il se souviendra longtemps de leur masque impassible de bienheureuse exaltation, qui ne s’accommode pas des mesquines contingences matérielles du sentiment d’autrui. Ah, on sent bien qu’il les agace, cet Autrui, avec son irritante habitude d’exister pour lui même, son horripilante tendance à vouloir conserver sa volonté propre, seule ombre mineure au rayonnant tableau que leur a personnellement légué le Tout Puissant dans Son incommensurable bonté et Sa sagesse infinie.

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26 septembre 2006

La dernière minute (pt. 1)

Posté dans : la Californie, par Dave A. à 2:25

Bon… Je sens qu’on en a tous marre du style télénovella de fin d’été qui règne sur ces pages, alors aujourd’hui on va changer un peu le décor.

Je vais vous parler de mon époque ponque.

Ma seconde époque ponque, pour être exact… Puisqu’il y eut bien une première époque ponque, mais celle-ci se situant à l’âge où tous les ados normalement constitués se font tatouer des toiles d’araignées sur les coudes, boivent des bières et squattent des entrepôts abandonnés, il n’y a guère matière à s’y attarder. La seconde non plus, d’ailleurs. Sauf qu’entre les deux, j’avais appris à apprécier à leur juste valeur les apports inégalables d’une literie de qualité et d’une hygiène corporelle moins négligée pour les interminables séances d’accouplement frénétique qui rythment la journée du ponque amoureux.

Mais avant d’en arriver là…

C’était la fin de ma vie à San Francisco. En tout cas ça se profilait à l’horizon brumeux. J’avais finalement pris la décision d’aller voir ailleurs. Essentiellement parce que, n’en déplaise à certains, il n’est aucun problème qu’un billet aller-simple pour un patelin inconnu à l’autre bout du monde ne puisse aider à résoudre, fût-ce en vous plongeant dans une toute nouvelle catégorie d’emmerdes propres à vous faire regretter les précédentes.

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15 septembre 2006

Turbulences spatio-temporelles

Posté dans : l'Actualité, la Californie, par Dave A. à 3:04

il y a maintenant pas mal d’années, par un joli matin ensoleillé de la fin du mois d’août, je fêtai mes 21 ans et me mariai dans une petite chapelle du Névada en présence d’une poignée d’amis chers.

Là où aurait dû se tenir le solennel organiste jouant Mendelssohn, Brian pianotait du dixie-jazz. En lieu et place des alliances qui ne furent achetées que bien plus tard, et pour sceller officiellement l’union à l’issue de la cérémonie, un dérisoire bouquet de fleurs, volées par Sarah à quelque plate-bande municipale sur le chemin de la chapelle.

Dans ces moments-là, toute l’ironie du monde ne pèse pas lourd face à cette sensation inexplicable de vertige qui vous prend à la gorge sans raison valable.

Il y avait, ce jour, beaucoup d’éléments comiques, avec peut-être quelques petits bouts de tragique, mais surtout beaucoup de vrai. Du vrai, émouvant et larmoyant, qui se grave dans vos neurones au pic-à-glace et ressort ensuite toujours aux pires moments.

Une demi-douzaine de vies se sont écoulées depuis. Presque autant de morts donc. Cette mort-là ne fut pas particulièrement douce. Pas tant par la perte d’un amour qui n’existait déjà plus alors, que par la perte d’une amie, d’une confiance et la sensation de trahison qui rend plus seul que n’importe quel rupture ne pourra jamais.

Après-demain, nous serons à nouveau ensemble devant l’autel, de part et d’autre de ceux qui, incidemment, nous marièrent il y a toutes ces années. La boucle est donc bouclée et le destin n’a pas perdu son légendaire sens de l’humour.

et ignotas animum dimittit in artes